David Vincent © DR
Vous avez grandi dans une famille protestante évangélique. Quel a été votre cheminement vers la recherche et la vulgarisation ?
J’ai suivi des études d’histoire avec l’idée de devenir professeur. Le déclic est venu en deuxième année, grâce à la collection « Sources chrétiennes ». En découvrant les Pères de l’Église et les débats sur le canon biblique, j’ai compris que certaines « évidences » méritaient d’être reconsidérées. Le canon des 66 livres ne s’est pas imposé d’un seul coup : il a été progressivement discerné et reconnu par les communautés. Savoir cela ne détruit pas la foi ; cela rappelle que l’Écriture a une histoire. Ce constat m’a donné le goût de la recherche et l’envie de partager. Comme les discussions locales s’avéraient souvent difficiles, j’ai ouvert un blog, puis une chaîne vidéo, devenue Didascale. L’idée était simple : offrir des savoirs fiables à celles et ceux qui veulent comprendre.
Comment s’articule aujourd’hui le travail de Didascale et quels en sont les enjeux ?
J’ai mis en place une pédagogie en escalier. Les formats courts, sur TikTok ou Instagram, éveillent la curiosité en une minute. Ceux qui souhaitent approfondir trouvent des vidéos de 30 à 40 minutes sur YouTube. Je souhaite proposer des formations. Les thèmes sont désormais centrés sur le christianisme : études bibliques et monde du Proche-Orient ancien, histoire de l’Église, théologie. L’enjeu est de proposer un contenu accessible sans perdre en rigueur. J’évite le jargon, je cite mes sources et je replace les textes dans leur contexte. Une vidéo courte n’est jamais une fin en soi : elle ouvre une porte vers un cycle thématique ou un parcours plus consistant.
Pourquoi est-il important d’occuper l’espace des réseaux sociaux, parfois regardés avec réserve ?
Parce qu’une large partie du public s’y informe en premier. Si les Églises et les chercheurs n’y sont pas, d’autres occupent la place, avec des contenus parfois fragiles. Les anciens filtres n’existent plus : un influenceur sans formation peut réunir des centaines de milliers d’abonnés. Face à cela, il faut accepter les règles du jeu et proposer une alternative crédible. La simplification n’est pas une menace en soi : catéchismes, brochures, prédications l’ont toujours pratiquée. L’essentiel est la loyauté du message. On peut être bref sans être réducteur et donner envie d’aller plus loin.
Votre recherche doctorale et votre activité d’enseignement nourrissent-elles cette démarche ?
Oui. Ma thèse à l’EPHE porte sur la correspondance de John Nelson Darby, figure du mouvement des Frères. J’y étudie comment une théologie circule, s’organise et se discute dans l’Europe francophone du XIXe siècle. Cette histoire des idées éclaire nos débats actuels : autorité, traduction, réception des textes bibliques. Par ailleurs, j’enseigne les « faits religieux » dans un collège protestant. En classe comme en ligne, l’objectif est de donner des repères clairs, non de défendre une chapelle. Transmettre une culture commune, donner des clés de compréhension, voilà ce qui me motive. Pour l’avenir : poursuivre ma thèse, consolider des séries vidéo autour de la Bible, de l’histoire de l’Église et de la théologie, et développer des parcours de formation. L’idée reste la même : transformer la curiosité en compréhension et la compréhension en liberté.
