Les lumières de Noël sur la place Esquirol, à Toulouse © Sakura Kuremu/Wikimedia Commons
Irina, 40 ans, Toulouse : « Beaucoup de moyens, trop peut-être »
Je viens de Biélorussie mais je vis en France depuis plusieurs années avec mon mari, français, et mes enfants. Ici Noël est considéré comme une fête familiale, mais je me suis habituée à être loin de chez moi. Ma famille est ici : c’est mon mari et mes enfants. J’aime rencontrer mes proches au quotidien, pas nécessairement pour une occasion particulière. Ma famille en Biélorussie est orthodoxe et ne fête pas Noël le 25 décembre. Pour nous, la naissance du Christ est le 7 janvier. C’est une simple fête religieuse et nous allons à l’église, surtout les croyants. Traditionnellement, nous fêtons le 1er janvier en famille avec des échanges de cadeaux et un bon repas ! On est habitués comme ça. J’appelle toujours la famille le 1er janvier, mais pas forcément le 7. En Biélorussie, environ 50 % de la population est orthodoxe et l’autre moitié est catholique. Le 25 décembre et le 7 janvier sont tous les deux des jours fériés.
La fête religieuse la plus importante, pour nous, est Pâques. La date n’est généralement pas la même qu’en France, elle est souvent décalée (ndlr : en 2026, Pâques sera célébrée en France le 5 avril par les catholiques et les protestants, le 12 avril par les orthodoxes). Alors oui, à cette fête-là, je pourrais me sentir éloignée, isolée, mais aujourd’hui on se téléphone si facilement ! On communique beau- coup via les réseaux sociaux. Sans cela, je serais triste, c’est certain. À Pâques nous avons la tradition de colorer les œufs en rouge en les faisant cuire dans de l’eau avec des épluchures d’oignons. On prépare le gâteau Koulitche, c’est une brioche traditionnelle de Pâques pour les orthodoxes.
Noël, en France, est pour moi un jour férié avec beaucoup de monde, beaucoup de cadeaux. Il y a des réunions familiales. Les gens s’y préparent longtemps à l’avance et avec beaucoup de moyens, trop peut-être, mais c’est généreux.
Amandine, 37 ans, Mont-de- Marsan : « Une occasion de plus de nous faire dépenser de l’argent »
Je me suis séparée de mon compagnon il y a trois ans. Nous avons un enfant, Mathéo, qui a 8 ans aujourd’hui. Il passe Noël avec son père car la famille de mon ancien conjoint est croyante, catholique. Noël est très important pour eux et ils tiennent beaucoup à le fêter avec Mathéo. Comme je suis athée, pour moi cette fête est un jour comme les autres, alors je n’ai pas de difficulté à laisser partir mon fils à ce moment-là. Je le retrouve pendant la dernière semaine des vacances scolaires et nous fêtons la nouvelle année ensemble, avec mon nouveau compagnon et des amis qui ont aussi des enfants.
Même si Noël ne représente rien pour moi, j’aime l’ambiance collective de ce moment : j’aime les lumières, le marché de Noël, la musique dans les rues. Mathéo demande beaucoup de choses : des tours de manège, des bonbons… et j’ai du mal à les lui refuser, parce que je sais qu’il vit mal la séparation. J’avoue que je compense ma culpabilité en lui achetant beaucoup de choses. Mais ça ne marche pas tellement, et c’est vrai que tout est fait pour nous pousser à la consommation ! Dans les supermarchés, les chocolats de Noël sont déjà dans les rayons en octobre, les publicités pour les jouets arrivent aussi très vite ! Noël est une occasion de plus de nous faire dépenser de l’argent, c’est tout. Quand Mathéo croyait au Père Noël, il y avait encore un petit côté « magique ». Mais maintenant, j’essaie juste de lui faire plaisir comme je peux, sans trop dépasser mon budget. Je ne vais pas dire que je « subis » Noël, mais il y a quand même un peu de ça.
Coralie, 19 ans, Bordeaux : « Noël, je supporte plus ! »
Je suis étudiante en arts plastiques. Noël, on va pas se mentir, déjà j’ai pas de budget pour, et puis j’ai pas envie de claquer des thunes pour ça ! C’est super hypocrite comme fête, surtout pour les gens qui sont religieux ! Ils vont à la messe de minuit et ils disent qu’ils pensent aux pauvres et à ceux qui n’ont rien, mais en vrai ils sont bien contents de rentrer chez eux au chaud devant leur dinde, et là les autres n’existent plus ! La vérité, ça donne pas envie ! Donc moi, Noël, je supporte plus ! Clairement ! Et donc, je le fête pas, voilà. Comme mes parents sont divorcés, depuis que je vis à Bordeaux, je fais une soirée pizza avec mes potes qui pensent un peu pareil, mais on s’offre rien. Y a pas de cadeaux, pas de chichis, je mets pas de guirlandes, je fais pas de sapin – ça aussi d’ailleurs ça me saoule, tous ces sapins avec des déco made by Ouïghours ! Je fais RIEN, je passe du temps avec mes potes comme si c’était une soirée normale. D’ailleurs C’EST une soirée normale pour nous. Comme je travaille à temps partiel toute l’année pour payer mes études dans un magasin de chaussures, je travaille aussi pendant les vacances de Noël, mais j’ai quand même quelques jours de congés. Et là, je vois mes potes, je dessine… mais ça, c’est pareil à chaque moment de vacances ! Y a rien de spécial à Noël !
Jessica, 30 ans, Toulouse : « Une fête à partager avec ceux qu’on aime et qui vous aiment »
J’ai eu une enfance difficile, sans amour, compliquée, avec des moments où je me suis même retrouvée à la rue. J’ai dû changer de ville pour me reconstruire. Je vis maintenant toute seule à Toulouse, sans famille. Un jour, j’ai rencontré une dame de la paroisse qui m’a invitée. J’ai découvert la paroisse. Petit à petit, j’ai intégré le groupe d’Église « En chemin », puis la communauté protestante. Je commence à y avoir des amis. J’ai cheminé avec un pasteur. Il y a de la bienveillance et je me sens en confiance, en sécurité. C’est comme un refuge pour moi.
Noël est bien sûr une fête familiale et religieuse, à partager avec ceux qu’on aime et qui vous aiment. Mais je suis seule, alors c’est toujours douloureux. Une fois, j’étais avec une amie à Paris. L’an dernier, l’Église avait organisé un repas après le culte du 25 décembre pour tous ceux qui étaient seuls ou isolés. Chacun a apporté quelque chose à partager. Nous étions au moins vingt ! C’était comme une famille. Cette année, je compte participer à l’organisation de ce repas. Je me suis aussi mise au sport, ce qui me permet de lâcher prise, j’ai besoin de me faire du bien. La communauté locale m’accueille telle que je suis, comme dans une famille. Je me sens mieux. Noël est maintenant un moment plus rassurant pour moi. Et je sais qu’Il est toujours présent avec chacun de nous.
