
Une bataille après l’autre est un film hybride qui emprunte sa durée aux grandes fresques du réalisateur (There will be blood, The Master, Magnolia) et également ses thèmes favoris : Pat (DiCaprio), ancien révolutionnaire, élève seul sa fille Charlene (formidable Chase Infiniti), après que sa compagne Perfidia a dû s’enfuir au Mexique. Ils vont être confrontés à la persécution du fasciste suprémaciste Lockjaw (Sean Penn). Sur le papier, c’est du sérieux. À l’écran, c’est du grand spectacle, avec une réalisation virtuose mais sur un mode burlesque pour ce qui concerne les personnages masculins. Pat se balade une bonne partie du film en robe de chambre et abuse de la drogue, cousin en cela du Dude des frères Coen (The Big Lebowski). Lockjaw est aussi stupide que violent – évoquant Terminator au cours du film. Les personnages féminins sont très différents, mère et fille témoignent du même courage, de la même insoumission radicale.
Ce mélange de dérision et d’action pure (avec des scènes de poursuite en voiture anthologiques) n’est pas sans évoquer l’univers de Tarantino, ce qui surprend de la part d’Anderson. Mais la compréhension de ce choix esthétique dérangeant – DiCaprio et Penn assument pleinement la caricature – est sans doute à chercher du côté d’une autre influence majeure d’Anderson : Stanley Kubrick. Celui-ci, en réalisant Docteur Folamour – film cité presque directement dans une réplique de Lockjaw sur sa « vigueur » convoitée par les femmes – disait avoir fait le choix de la farce parce que ses recherches documentaires lui montraient l’incroyable et terrifiante inconséquence de la course à la bombe, qui aurait paru invraisemblable dans un contexte réaliste. Le réalisateur fait ici le même choix, tant sa société radicalisée et fascisante lui semble absurde. Tourné avant les dernières élections aux États-Unis, le film est prophétique. Et sa sympathie pour l’insoumission prend donc une dimension singulière.
Une bataille après l’autre, Paul Thomas Anderson, 2025, 2 h 50
