
« J’ai commencé la peinture à l’âge de 5 ans, à l’école, raconte Sylvie Vari, qui nous reçoit dans sa maison, à Arles. Je peignais et écrivais déjà avec la bouche ». Car l’artiste est atteinte d’arthrogrypose, une maladie congénitale qui se traduit par une raideur des articulations et la prive de l’usage de ses bras et de ses mains. Son talent est vite repéré par sa maîtresse qui envoie l’un de ses tableaux au Japon pour participer à un concours international. Elle y décroche le deuxième prix !
Une passion qui devient son métier
Pour Sylvie Vari, la peinture reste un « hobby » tout au long de sa scolarité, de ses études et au début de sa vie professionnelle. Ce n’est qu’en 2007 qu’elle devient pour elle une activité centrale. « La naissance de notre fils m’a permis de rester à la maison, explique l’artiste. Cette année-là, j’ai revu une ancienne amie qui était membre de l’Association des artistes peignant de la bouche et du pied ». C’est le déclic. Sylvie Vari entre alors dans l’association en tant que boursière. « Nous nous engageons à faire des expositions, des animations pour les enfants et les adultes, à participer à des stages et à envoyer au minimum 10 tableaux par an », précise-t-elle. La peintre reçoit par ailleurs une prime si ses tableaux sont utilisés par la société d’édition liée à l’association, notamment pour fabriquer des calendriers ou des cartes postales. Elle est également soutenue pour l’achat de ses pinceaux, des tubes de peinture et des supports de ses tableaux.

Ses sujets préférés ? « Les fleurs, les paysages, les natures mortes florales, nous répond Sylvie Vari. C’est ce qui me fait plaisir, de plus l’association peut facilement utiliser les fleurs. » Et pourquoi avoir choisi l’acrylique ? « J’aimais bien l’huile mais l’odeur de cette peinture est forte, ajoute-t-elle. Comme je n’ai pas d’atelier mais un petit bureau au premier étage de notre maison, j’ai choisi l’acrylique, une peinture inodore. J’apprécie ses couleurs vives. »

Fleurs ou paysages selon l’humeur
Sylvie Vari essaye de peindre tous les jours, l’après-midi, mais pas plus de quatre heures. Car peindre avec la bouche est fatiguant. « Quand je suis souriante, je préfère peindre des fleurs, témoigne-t-elle. Quand je suis plus mélancolique, je peins plutôt des paysages d’automne ou d’hiver. » Quand elle a fini un tableau, l’artiste le laisse reposer un ou deux jours. Puis elle lui apporte des corrections, possibles avec l’acrylique. « C’est comme lorsque l’on écrit un poème, explique-t-elle. Parfois on peut encore le corriger mais parfois il faut mieux s’arrêter. » L’œuvre commence alors à vivre sa vie, qui prend souvent le chemin d’une exposition. Comme en août dernier, au temple d’Arles, où les visiteurs ont pu admirer ses tableaux et discuter avec l’artiste.
Cette belle histoire, Sylvie Vari l’a commencée en Hongrie. Devant nous, elle prend un stylo dans la bouche et écrit, en s’aidant de sa main : Vásárosnamény. C’est le nom de sa ville natale, située à proximité de la frontière ukrainienne. Elle y a vécu ses cinq premières années avant de déménager à Budapest, pour être scolarisée dans une école adaptée. Il lui faut surmonter son handicap, alors sa mère lui dit : « Tu auras beaucoup de difficultés. Mais si tu restes gentille et que tu gardes ta force, tu pourras vivre une vie pleine. » La jeune fille grandit et entre au lycée à Gödöllő, près de Budapest, où elle se passionne pour la littérature. Ce qui la conduit à l’université où elle étudie pendant cinq ans. « Je ne voulais pas devenir prof mais bibliothécaire », confie-t-elle. Elle est ainsi recrutée comme bibliothécaire au lycée mais finit par également enseigner la grammaire et la littérature hongroises. « J’adorais travailler comme professeur, se souvient Sylvie Vari. Jusqu’à aujourd’hui j’ai gardé des relations avec mes anciens élèves. »

L’appel de la Provence
Puis, un jour, elle rencontre son futur mari, de retour en Hongrie après 30 ans passés à Paris. Le couple vit à Budapest où il fonde une famille. Après sa mère, en 2012, c’est sa chère grand-mère qui décède en 2017. Alors, en 2018, Sylvie Vari accepte de s’installer en France, comme le désirait son mari. « Je lui ai dit “c’est juste pour un an”, se rappelle-t-elle. C’est moi qui ai choisi la Provence, la région m’a beaucoup plu. » Sept ans plus tard, la famille est toujours à Arles où elle s’est très bien intégrée. « Quand je suis arrivée ici, je ne parlais pas français, poursuit celle qui a depuis obtenu la nationalité française. Mais maintenant je me sens plus chez moi en France qu’en Hongrie. »
Sylvie Vari s’est notamment investie dans la vie de l’Église protestante unie du Pays d’Arles. Elle va au culte, chante à la chorale et est même devenue membre du conseil presbytéral et déléguée au synode régional. Un engagement qui s’enracine dans une foi profonde. « J’ai commencé à chercher Dieu et ai été baptisée à l’âge de 21 ans, témoigne-t-elle. Je suis d’abord allée à l’église catholique mais cela ne m’a pas plu. J’ai commencé à lire la Bible puis je suis devenue protestante, en fréquentant une paroisse charismatique. » Aujourd’hui, sa foi est toujours un précieux soutien. « Elle me donne de la force, de l’espoir, ajoute-t-elle. Je sais que je ne suis pas seule. Je ne pourrai pas vivre sans Dieu. » Parfois elle se questionne quand même : pourquoi suis-je handicapée ? Pourquoi mon mari est-il malade ? C’est alors qu’elle répond : « Dieu sait pourquoi, il veut me donner le meilleur ».
Artistes peignant de la bouche et du pied (APBP)
C’est Arnulf Erich Stegmann, peintre avec la bouche allemand, qui a créé cette association internationale en 1957. Avec son art, il avait connu un succès commercial qui lui permettait de vivre indépendamment des aides sociales liées à son handicap. Il voulait que d’autres artistes dans sa situation puissent faire la même chose. Aujourd’hui, il existe 45 sociétés d’édition dans le monde liées à cette association. Elles travaillent au quotidien avec près de 740 artistes provenant de 69 pays.
Site de la société d’édition française : www.apbp.fr
