En 2035 on lutte contre les violences avec les méthodes chinoises, en pointe dans ce domaine : vidéosurveillance ; reconnaissance faciale reliée par intelligence artificielle à une gigantesque banque de données sur les citoyens, les organes politiques et sociaux, la presse ; conditionnement par la notation des comportements individuels, etc.
Résultats : une baisse spectaculaire des crimes et délits, et un changement radical des comportements. Se sentant constamment observé on vit dans la méfiance et l’anxiété. La peur des dénonciations et des représailles conduit à s’autocensurer, ce qui devient peu à peu une seconde nature.
En 2025 nous n’en sommes pas encore là, mais d’autres stratégies sont déjà à l’œuvre pour vous épier, insinuer en vous des comportements addictifs, vous guider dans vos choix quotidiens au motif de conseils personnalisés en distractions, alimentation, habillement… et tout cela sans que vous vous en rendiez compte.
Si les avancées technologiques actuelles permettent d’imaginer le monde futur, le trio « surveiller – punir – rééduquer » ne date pas d’hier : Jeremy Bentham avait conçu en 1791 un système pénitentiaire baptisé panoptique, analysé par le philosophe Michel Foucault (Surveiller et punir, Gallimard 1975 ; p.197ss : ‘Le panoptisme’). Pour alléger le budget anglais des frais liés à la surveillance des prisons et à l’envoi des condamnés au bagne, il a proposé un bâtiment circulaire constitué de cellules juxtaposées, avec au centre une tour d’observation. Les détenus ne savent pas s’ils sont observés ou non, ils ne peuvent pas communiquer entre eux, un seul gardien suffit (« La visibilité est un piège », dit Foucault) ; enfin, on espère que les prisonniers finiront par intégrer de meilleurs comportements sociaux. Le système peut même être généralisé (avantageusement ?) aux écoles, entreprises, hôpitaux…
Le débat est sans doute loin d’aboutir entre des positions radicalement différentes : meilleure éducation ? justice réparatrice ? ou laisser-aller, jusqu’à l’anomie ? ou encore suspicion et répression ? Il serait bon de réfléchir aux bonnes solutions
