
© Domaine de Chantilly/M.?Urtado
La page d’octobre, avec des paysans qui sèment et le château du Louvre en arrière-plan.
Un paysage peint avec des pinceaux d’une extrême finesse et de splendides couleurs
Exceptionnelle : voici un mot souvent galvaudé mais parfaitement justifié en ce qui concerne l’exposition sur les Très Riches Heures. À la faveur d’une restauration indispensable, les cahiers de ce manuscrit ont été décousus, ce qui permet d’exposer 26 pages en même temps, celles du calendrier. L’occasion unique, qui ne se représentera peut-être jamais plus, d’admirer les extraordinaires enluminures qui ornent l’ouvrage.
Un livre de piété
Au XVe siècle, il est d’usage que les princes et les grands seigneurs commandent des livres d’heures, ouvrages de piété où les laïcs peuvent se référer toute l’année pour étayer leur pratique religieuse. Le duc de Berry, fils cadet du roi, en a acheté plusieurs et commandé six, tous réunis pour l’exposition. Pour celui des Très Riches Heures, il ne verra pas l’ouvrage achevé ; comme pour une cathédrale, il faudra 70 ans de travail aux différents artistes avant de terminer le travail.
C’est le duc d’Aumale, fils de Louis-Philippe et héritier de Chantilly, qui a acquis dans sa collection le manuscrit et a interdit dans son testament qu’il n’en sorte jamais. Précieux et fragile, celui-ci n’a été exposé que deux fois au cours du XXe siècle. Ses enluminures sont pourtant si célèbres qu’elles ont donné naissance à tout un Moyen Âge fantasmé, avec des châteaux et des assemblées princières de conte de fées, peints sous des couleurs éclatantes. Des reproductions ont été utilisées pour illustrer d’innombrables livres d’histoire ou d’art, ce qui fait que tout amateur de Moyen Âge a déjà l’impression de les connaître.
Détails précieux
Les pleines pages enluminées du calendrier sont consacrées chacune à un mois de l’année. On y admire des châteaux, ceux du duc de Berry ou du roi de France : on peut contempler l’île de la Cité avec la Sainte-Chapelle, le Louvre sous son aspect médiéval… Mais aussi de nombreuses scènes de la vie courante qui rendent terriblement vivante cette période : paysans qui emmènent les cochons à la glandée en novembre, vendanges en septembre ou procession de mariage. À chaque fois, sur un espace assez restreint, c’est tout un monde qui renaît sous nos yeux, celui de la haute aristocratie jusqu’aux plus humbles, avec tous les détails de la vie quotidienne, des habits aux outils et au mode de vie.
Ce Moyen Âge revit grâce à tous les détails imaginés par les artistes et rehaussés par des couleurs particulièrement vives, dues à la qualité des pigments utilisés, comme par exemple le lapis-lazuli pour les bleus. Protégé dans un coffret spécialement créé pour lui, le manuscrit reste vulnérable est n’est consultable que le plus rarement possible, même pour des chercheurs.
L’étude en cours, qui va de pair avec la restauration des Très Riches Heures, est l’occasion de mettre à plat les pages pour les montrer au public. Nul doute que ce travail va permettre d’affiner nos connaissances et peut-être même de découvrir des aspects insoupçonnés de l’ouvrage.
Le musée de Chantilly méritait déjà un détour pour la qualité et l’importance des collections qu’il possède. Avec cette exposition, il mérite vraiment le voyage, qui sera tout autant dans le temps que dans l’espace.
Les Très Riches Heures du duc de Berry, jusqu’au 5 octobre au château de Chantilly.
            
                    