Tous deux rescapés de la tuberculose, ils partagent le même amour pour Dieu et pour la nature, dont témoigne le titre du film, et c’est le début d’une relation unique et improbable d’amitié intense qui évoluera vers un amour impossible. Ils subliment alors leur attirance physique dans de brillants échanges épistolaires portant sur la sexualité humaine, domaine alors tabou. Pour explorer la nature du désir et ses manifestations, le film mêle deux histoires d’amour et deux époques, celles des partenaires historiques et celles de Roxanne et d’Antoine qui les incarnent. Ce dispositif s’annonce dès l’ouverture : le récit débute comme une fresque historique sur la botanique, la science et la libération sexuelle, et évolue vers une méditation sur l’amour vrai et conscient, loin de la consommation éphémère. Cette mise en abyme permet à la réalisatrice d’éclairer le contraste entre deux formes de liaison – l’amour interdit, intense et silencieux des personnages, bâti sur la curiosité intellectuelle, et l’émoi plus immédiat et charnel des acteurs. Grâce au soin apporté au montage, construit sur des inserts naturels rythmant les échanges épistolaires, l’œuvre est véritablement un objet d’art?visuel qui magnifie la flore laurentienne et les herbiers cinématographiques tandis qu’une lumière douce capture la poésie muette de la nature, l’image s’accordant au rythme d’un récit tour à tour contemplatif ou sensuel mais toujours vibrant. Les deux acteurs sont remarquables et traduisent avec talent la retenue passionnée de Marcelle? et de Marie-Victorin. Dans sa seconde moitié, le film illustre l’explosion de la passion de ce dernier à travers ses lettres et des images parfois crues qui juxtaposent sexualité humaine et sexualité des plantes. Il reste qu’en interrogeant la façon dont l’amour, la science et la nature peuvent s’entrelacer pour révéler ce qui rend vraiment les choses si belles, Charlebois propose une œuvre singulière et ambitieuse, portée par une réalisation visuellement soignée, une construction narrative audacieuse, et la saveur de la francophonie québécoise.
Lyne Charlebois, 99 min, sortie le 20 août 2025

