Le sens des mots : Temple ou Eglise?

Nommer un lieu de culte n’a rien d’anodin et relève d’un choix porteur d’une histoire. Qu’en est-il pour le mot « temple », par lequel les protestants qualifient le lieu où ils se rassemblent ? Jacques Raibaut le remet en question.
interieur d'un temple
© Debby Hudson / Unsplash

Après avoir lu un article sur la restauration du « temple Saint-Martin » à Montbéliard, je suis une nouvelle fois surpris que le protestantisme français s’entête à utiliser le vocable de « temple » au lieu d’« église », alors que l’Allemagne ou les Pays-Bas utilisent, habituellement, le mot « église ». Certes, il y a évidemment à cela des raisons historiques, comme la volonté de se distinguer du catholicisme, culturellement et anciennement agressif en France.
Mais cela reste selon moi un contresens théologique et ecclésiologique très regrettable.

 

La maison du dieu…
En effet, le temple – [du latin templum, désignant l’espace tracé par l’augure dans l’air et sur la terre à l’intérieur duquel il recueille et interprète les présages, ndlr] – est le lieu d’habitat du dieu invoqué. Ainsi les temples grecs étaient censés abriter traditionnellement les dieux qui faisaient l’objet d’un culte. Pour utiliser ce terme
de « temple », il faut donc que l’édificeait été consacré à une divinité, ou qu’il abrite la divinité elle-même, ou un signe matériel l’évoquant, comme l’Arche de l’Alliance du Temple de Jérusalem. Les édifices religieux du catholicisme conservant des reliques de saints ou des hosties consacrées, corps du Christ selon la théologie de la transsubstantiation, sont en ce sens des temples.
Les édifices protestants, eux, ne sont donc pas des temples : nulle trace d’hosties ou de reliques de saints. Parfois une Bible sur un lutrin, mais le jour de l’office le plus souvent. Ne parlons pas des salles polyvalentes que le protestantisme français, depuis les années 1950, a souhaité développer avec plus ou moins de réussite…

 

…ou celle de la communauté ?

 

L’église – [du grec ecclesia, désignant l’assemblée des citoyens, puis, dans le latin chrétien, à la fois une communauté de fidèles et son lieu de réunion, ndlr] – est, étymologiquement, l’assemblée de la communauté chrétienne: c’est donc bien le terme qui convient pour les églises protestantes qui ne conservent ni l’Arche de l’Alliance ni pain consacré… ni reliques.
Bien sûr, on m’opposera que le Christ est présent réellement lors de l’eucharistie,
mais celle-ci suppose la communauté rassemblée et cette présence n’est réelle que lors de ce rassemblement.
Ne parlons plus de temples protestants mais d’églises protestantes, ou de temples catholiques et non d’églises catholiques ! Ce propos est sans illusion, tant les habitudes sont anciennes, mais on pourrait peut-être faire un petit effort sémantique !
Dans les années 60, nous avions tenté, à Toulouse, avec le pasteur Romane,
de renommer tous les lieux de culte : église Saint-Matthieu pour la place du Salin, église Saint-Marc pour le Vieux Temple, église Saint-Jean pour la Côte Pavée, etc. Mais à l’exception d’un petit groupe de convaincus, cette habitude ne parvint pas à susciter l’adhésion, et fut même regardée sans indulgence. Heureusement, l’Église universelle nous réunit tous sans distinction de murs !

 

 

 

 

 

#Sud-Ouest
#Actualité #Auteurs Sud-Ouest #En région #Point de vue #Temple

NEWSLETTER

Pour aller plus loin

Noël dans tout nos états
Sud-Ouest
Noël dans tout nos états
Passer Noël loin de ses proches est pour certains très douloureux et, dans cette peine, l’injonction sociale à la joie joue souvent un rôle. Pour d’autres, Noël est un jour comme un autre, à ceci près que sa célébration, même lorsqu’elle n’a rien de religieux, ne laisse pas indifférent.
Faut-il adhérer à la Fédération Protestante de France?
Sud-Ouest
Faut-il adhérer à la Fédération Protestante de France?
Le Conseil national de l’EPUdF s’est réuni du 19 au 21 septembre 2025 à Paris. Parmi les sujets à l’ordre du jour figurait un projet de modification des statuts de la Fédération protestante de France (FPF) pour donner davantage de place aux Églises évangéliques. Cette initiative a incité Nina Liberman à questionner la pertinence du système fédératif.
Pour en finir avec les Noël Potemkine
Sud-Ouest
Pour en finir avec les Noël Potemkine
Dans un entretien intitulé « Comment les protestants ont censuré Noël » paru sur le site Reformes.ch, l’historien François Walter rappelle comment la Réforme s’est opposée aux festivités collectives alors en usage pour aboutir à faire de Noël une fête familiale, « une fête de l’entre-soi, qui n’a pas sa place dans l’espace public, sous l’ influence du luthéranisme de l’Allemagne protestante ».
Prédicateurs et prédicatrices: un atout majeur pour l’Eglise
Bordeaux
Prédicateurs et prédicatrices: un atout majeur pour l’Eglise
À Bordeaux, les pasteurs en lien avec le conseil presbytéral proposent une formation pour les prédicateurs. Dans notre Église, centrée sur la Parole, c’est une activité essentielle par bien des aspects.
Retraite spirituelle à l’abbaye de Belloc et Urt
Sud-Ouest
Retraite spirituelle à l’abbaye de Belloc et Urt
La retraite spirituelle aura lieu du 20 au 22 mars 2026 à l’abbaye de Belloc et Urt (Pays basque).
Le cadeau d’une écoute
Sud-Ouest
Le cadeau d’une écoute
Dans la tradition juive qui rejette toute représentation possible de Dieu, tout se joue dans l’écoute de la parole et de sa transmission. Et pour nous, qu’est- ce que l’écoute et que met-elle en jeu ?
Nouvelles de l’Église protestante unie en région Sud-Ouest
Sud-Ouest
Nouvelles de l’Église protestante unie en région Sud-Ouest
La région Sud-Ouest de l’Église protestante unie est organisée en 10 consistoires qui s'étendent sur 14 départements : Haute Garonne, Gironde, Ariège, Lot, Tarn et Garonne, Tarn, Lot et Garonne, Pyrénéens Atlantique, Haute Pyrénées, Gers, Landes, Dordogne, Aveyron, Corrèze.
Rachel Chareyre : Mariage et célibat dans la communauté protestante
Orthez
Rachel Chareyre : Mariage et célibat dans la communauté protestante
L'historienne Rachel Chareyre publie une étude sur le mariage dans la communauté protestante d’Orthez au XIXe siècle. Elle y retrace l’histoire d’une institution dans laquelle les femmes recherchent bonheur conjugal et accomplissement spirituel.
Anne-Marie Feillens : « Il n’y a pas de domination possible »
Sud-Ouest
Anne-Marie Feillens : « Il n’y a pas de domination possible »
Entretien avec Anne-Marie Feillens, présidente de la région Sud-Ouest.