Bellini et la peinture vénitienne

Pour la première fois en France au musée Jacquemart-André, une exposition est consacrée à Giovanni Bellini (1435-1516), un des fondateurs de l’école vénitienne.

Né à l’époque du style gothique que pratiquait son père, Bellini est mort au tout début du XVIe siècle et l’un de ses derniers tableaux préfigure la peinture moderne. C’est dire que sa vie a été marquée par une évolution constante que se sont attachés à décrire et expliquer les commissaires de l’exposition. Une cinquantaine d’œuvres voisinent parfois avec celles d’autres artistes grâce auxquels Bellini a fait évoluer sa peinture.

 

Jeux d’influences

 

Le tout premier lieu où Bellini a appris son métier est l’entourage familial, puisque son père était un peintre de renom et que sa sœur a épousé le célèbre Andrea Mantegna. C’est avec Ma nteg na que le jeune peintre découvre le classicisme et la perspective. Comme exemple de cette première évolution, une Sainte Justine de 1475 éblouit par sa luminosité et son harmonie. Avec ce style très apprécié, Bellini se spécialise dans les commandes privées de Vierge à l’Enfant, destinées à être accrochées dans des chambres à coucher et dont trois exemplaires sont visibles dans l’exposition. Il est également influencé par le style byzantin, si présent à Venise, et s’ inspire des icônes en reprenant certains codes (gestes ou attitudes) tout en sachant s’en affranchir. Autre influence, celle des peintres flamands qui introduisent avec la peinture à l’huile de nouvelles manières de traiter les paysages ou d’obtenir des transparences dans les drapés ou les carnations.

 

Devotio moderna

 

En 1475 arrive à Venise Antonello de Messine, qui a beaucoup voyagé et avec qui le dialogue est particulièrement fécond. Recherche sur des effets de lumière naturelle et couleurs affirmées sont les marques de cette nouvelle influence.

 

Enfin du point de vue théologique, la devotio moderna entraîne d’innovations dans la manière de traiter les sujets religieux. L’art sacré doit introduire une proximité avec les fidèles : le Christ n’est plus inatteignable mais semble au contraire toucher celui qui regarde le tableau, développant ainsi une nouvelle piété chez les croyants. À la fin de sa vie, Bellini s’emploie aussi à travailler particulièrement ses arrière-plans, paysages qu’il souhaite aussi réalistes que possible, non plus simples décors mais bien parties intégrantes de l’œuvre . 

 

Dans son atelier viennent travailler Giorgione et le Titien qui annoncent une nouvelle révolution de l’art de la peinture. L’une des dernières œuvres du maître est aussi la plus moderne : La dérision de Noé, seule peinture dont le sujet se déroule dans l’Ancien Testament, présente le patriarche endormi, ivre et nu, entouré de ses trois fils dont l’un se moque. Le dessin devient plus libre et la couleur vibrante.

 

Après sa mort, Bellini devient à son tour une source d’inspiration pour les peintres vénitiens et une référence reconnue. Le musée, en choisissant de le mettre en lumière, s’inscrit dans la continuité des goûts des premiers propriétaires de ce lieu exceptionnel en plein Paris. Le couple Jacquemart-André s’est beaucoup intéressé à la peinture vénitienne, et notamment celle de la Renaissance avec de nombreuses acquisitions de grande qualité ; ce qui fait de cet hôtel particulier aujourd’hui le cadre idéal pour mettre Bellini en valeur.

 

Giovanni Bellini, influences croisées, jusqu’au 17 juillet au musée Jacquemart-André, 158 bd Haussmann, Paris 8e. Tlj de 10 h à 18 h, lundi jusqu’à 20 h 30

 

 

 

 

 

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