
Pour(-)quoi écris-tu ?
Je n’ai pas un goût particulier pour l’écriture, qui est plutôt une souffrance pour moi. Exprimer correctement mes idées, mes trouvailles exégétiques, ma compréhension de ce que la foi nous appelle à vivre, est un travail douloureux. Néanmoins, c’est aussi ce qui me permet d’être libéré de ces sujets, de ne plus être tourmenté.
Quelle est l’histoire de ce livre ?

La liberté et les premiers rois d’Israël est le résultat d’un énervement personnel en regardant une séance du Parlement sur une loi de sécurité intérieure, après les attentats de 2015. Les libertés individuelles devenaient la variable d’ajustement, ce que le gouvernement était prêt à sacrifier sur l’autel de la sécurité. Que faire contre les élans liberticides ? Y a-t-il dans nos ressources théologiques de quoi faire face à une montée d’autoritarisme ?
J’ai commencé à chercher du côté des textes bibliques. Puis j’en suis venu à ouvrir des livres de philosophie politique pour voir quelles étaient les réponses apportées à l’enjeu de la liberté. Tout cela passionnant, mais très fragmenté dans mon esprit. Il me fallait mettre de l’ordre dans mes idées et discipliner ma pensée. C’est ce qui m’a incité à en faire un travail doctoral pour trouver comment il est possible de sauver la liberté dans un contexte politique qui lui est défavorable, sous la direction du professeur Dany Nocquet. C’est principalement à partir des récits des trois premiers règnes d’Israël (Saül, David, Salomon) que j’ai examiné comment les rédacteurs bibliques s’efforcent d’instituer la liberté dans le paysage politique.
L’intérêt de la publication de mon travail était double. D’abord remettre la liberté à sa juste place. Je pensais que tous les textes iraient dans le sens de la liberté. L’étude de la rédaction des textes m’a fait prendre conscience que, dans un premier temps, jusqu’à l’exil à Babylone au VIe avant Jésus-Christ, la liberté n’est pas du tout un critère. Les livres de Samuel et Rois sont, dans un premier temps, un manifeste pour soutenir le projet politique du roi Josias qui vise à étendre son territoire. C’est après le choc de l’exil, quand la question de l’avenir politique va se poser, que des rédacteurs font une relecture critique de la royauté et qu’ils vont faire de la liberté un élément structurant de la société israélite. Le but était de ne pas connaître une nouvelle catastrophe.
Le deuxième intérêt de ce travail est de constater le caractère moderne de la pensée des rédacteurs après l’exil. Des siècles avant Hobbes, Locke, Montesquieu, ils nous aident à trouver les moyens de contrecarrer les tyrannies, d’une manière parfois moins naïve que les penseurs modernes. Les rédacteurs bibliques révèlent les phénomènes de cour, la servitude volontaire, le goût du pouvoir qui l’emporte sur l’intérêt général, les systèmes de rivalité. Et, chose étonnante, ils vont poser les bases d’une société libérale : séparation des pouvoirs, institution de l’opposition, développement de la responsabilité individuelle et effort d’éducation pour forger des consciences. Un programme très actuel.
La liberté et les premiers rois d’Israël, James Woody, Éditions du Cerf, 336 pages – mai 2024, 24 €
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