Les proviseurs de collège marmonnaient que, pour paraphraser Schopenhauer, on n’avait pas besoin de tant de guitares électriques, de manteaux noirs et de charbon sur les paupières. Voici que Robert Smith a 65 ans et que Songs of a Lost World, le quatorzième album de son groupe, confirme ce qu’il disait naguère – la solitude, la fugacité des choses, la vanité du monde, l’âge, la mort, la mort, la mort…
Seize ans après 4:13 Dream – magnifique et incomplet –, Smith affirme qu’il ne s’agit en rien d’un testament. Mais terminer l’album par End Song (« I will lose myself in time / It won’t be long / It’s all gone » ; « Je vais me perdre dans le temps / Ce ne sera pas long / Tout est parti »), cela rappelle évidemment The End, dernière chanson du dernier album enregistré par les Beatles. On ressent l’impression curieuse de saisir enfin une vérité derrière les postures, les grands mots, les ivresses longtemps prévisibles. La mélancolie de The Cure apparaît tranchante, fervente, limpide. Comme s’il se confirmait que, jadis, des adolescents déguisés en corbeaux avaient entamé une longue quête stoïcienne à l’échelle d’une vie. Un document irremplaçable sur la délectation de la chute.
