Les grandes évolutions

Jeune pays qui a récemment célébré son 150e anniversaire (en 2017), le Canada a néanmoins une histoire ancienne, à commencer par celle des Premières Nations, venues d'Asie il y a 15 000 ans.

On doit aux Premières Nations une spiritualité animiste plurielle qui, bien que marginalisée par l’évangélisation, est loin d’avoir disparu. Ses rites ont structuré les communautés autochtones – terme préféré par les intéressés à celui, trop occidental, d’« Amérindiens » –, et leur absence n’est pas étrangère à la situation douloureuse de ces communautés minées par l’alcoolisme, le suicide et la violence.

 

Évangélisation ? Dès les xvie et xviie siècles, la diffusion du christianisme sur les bords du Saint-Laurent stimule le projet d’une Nouvelle-France, sous la conduite exclusive de l’Église catholique. Une présence initiale significative du protestantisme réformé français fera long feu, car le catholicisme s’identifiera durablement avec la francophonie, dans le cadre de la rivalité franco-anglaise au Canada.

 

 

 

 

Une dynamique unitaire

 

Vainqueurs en 1763, les Britanniques favorisèrent l’anglicanisme officiel mais aussi un protestantisme pluriel, sur le modèle pratiqué dans leurs colonies américaines. Les autorités anglaises surent s’accommoder du catholicisme dans le futur Québec : moyennant sa soumission à la couronne, l’Église romaine put exercer une tutelle exclusive sur ses fidèles francophones, renforcés par le dynamisme démographique de « la revanche des berceaux », et ce jusqu’au milieu du xxe siècle.

 

Terre de colonisation et d’immigration, le Canada religieux se diversifia avec l’arrivée de populations européennes germaniques luthériennes ou slaves orthodoxes, qui se répandirent dans l’Ouest canadien.

 

Quand le Canada accède en 1867 au statut de dominion – une indépendance restant liée au Royaume-Uni –, deux pôles équivalents structurent l’univers religieux du nouveau pays : le pôle catholique franco-irlandais, uni autour de l’Église romaine, et un pôle anglican et protestant, marqué par la division et la dispersion des communautés issues de la Réforme.

 

L’essor d’une identité canadienne dans l’Empire britannique, le souhait d’un œcuménisme protestant et les difficultés matérielles nées de la dispersion dans l’immense espace canadien vont susciter une dynamique unitaire aboutissant en 1925 à la naissance de l’Église unie du Canada, rassemblant presbytériens, méthodistes et Églises d’union locale congrégationalistes. La nouvelle Église ne rassemble pas toutes les dénominations protestantes, mais elle est majoritaire et supplante par sa dimension nationale l’Église anglicane héritière du passé britannique.

 

 

 

Une ouverture inclusive

 

Le xxe siècle connaît une immigration soutenue qui mondialise l’univers religieux canadien : judaïsme, orthodoxie, bouddhisme, sikhisme, islam s’ajoutent à la diversité initiale d’une société définitivement multiculturelle.

 

La religion est souvent pour ces nouveaux Canadiens un soutien identitaire, car le « vivre ensemble » qu’on prête généralement à la société canadienne n’a pas été une construction immédiate, notamment envers les Afro-Canadiens, souvent séduits par le pentecôtisme.

 

Il en résulte des dynamismes communautaires minoritaires mais visibles – aujourd’hui autour des signes religieux –, alors que les Églises traditionnelles subissent la sécularisation de la société et la désaffection de leurs fidèles. Le phénomène est particulièrement marqué au Québec, où la « Révolution tranquille » de 1960-1970 a remis en cause la tutelle de l’Église catholique, dont la période hégémonique est couramment qualifiée de « grande noirceur ». Une déchristianisation y est sensible, aggravée par les révélations des abus dont cette institution trop dominatrice s’est rendue coupable ; la question de la transmission des repères élémentaires y est posée et une laïcité québécoise plus intransigeante que dans le reste du Canada en vient à ne concéder qu’un catholicisme patrimonial dans l’identité québécoise.

 

En ce xxie siècle commençant, un christianisme historique minoritaire, toutes dénominations confondues, doit trouver sa voie entre l’édification de communautés militantes prônant une rupture spirituelle vis-à-vis de la société ou bien le choix d’une ouverture inclusive, qui est celui de l’Église unie du Canada.

 

 

 

 

 

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