Y a-t-il un positionnement possible entre l’isolationnisme et l’impérialisme ? La transcendance de Dieu doit-elle l’emporter sur l’historicité de l’être humain ? Ces questions, et quelques autres tout aussi importantes, peuvent être utilement abordées en lisant ce petit ouvrage consacré à Reinhold Niebhur (1892-1971), qui fut aux USA considéré non seulement comme théologien, mais aussi comme éthicien. Il fut un commentateur influent des politiques publiques américaines de son temps, demeure lu par certains ex-locataires de la Maison-Blanche, et est encore étudié outre-Atlantique.
Les réponses à ces questions ne relèvent pas d’un grand écart, ou d’une versatilité. L’espérance eschatologique ne peut pas faire l’impasse sur l’action concrète. Toute réponse concrète, même la meilleure qui soit, peut avec le temps devenir délétère. Une réflexion critique sur soi-même est toujours d’autant plus nécessaire que l’on dispose de pouvoir sur le collectif, car il existe toujours une tension violente entre l’intérêt personnel et l’intérêt général, entre un idéalisme sentimental et un réalisme cynique. C’est un mérite du petit ouvrage d’Henry Mottu que de parvenir à transmettre en même temps des éléments très historiques, forcément datés, et des éléments très permanents d’une pensée théologique et politique qui semble bien ne s’être jamais endormie ou figée. Au risque de se tromper, peut-être, mais il est toujours bien plus facile de voir et de dire en quoi les autres errent ou ont erré que de prendre soi-même la responsabilité et le risque d’agir…
Reinhold Niebuhr. La lucidité politique d’un théologien américain, Henry Mottu, Lyon, Olivétan, 2017, 160 p., 14 €.
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