Pour une théologie qui pense le monde

Pour qu’une théologie ose dire penser le monde, il faut qu’elle ose penser une certaine complexité où les choses sont en tensions plutôt qu’en oppositions et en exclusions. En d’autres termes, il lui faut être protestante.

Penser Dieu aiderait à penser le monde, et peut-être même le monde à penser ? On voit immédiatement l’outrecuidance de la prétention ! Et pourtant, penser en théologien protestant n’est-ce pas tenter de penser notre rapport à la liberté, à l’égalité et à la fraternité : penser ce qui fonde l’universalité ? En ce sens, la théologie protestante pourrait bien participer à cet effort de penser qui nous rend humains.

 

Apprendre à vivre avec soi-même
©pixabay

Fidélité aux textes biblique
Pour mériter la qualification de protestante, la théologie doit d’abord récuser tout fondamentalisme. Non comme une concession à la rationalité objective, mais par fidélité aux textes bibliques : ce que découvre le bibliste attentif c’est que le relatif participe du vrai. C’est ce que l’on appelle l’incarnation : Dieu accepte d’abandonner sa parole à la culture, à l’histoire. Jusqu’à s’y abîmer sur la croix. Relatif et vrai n’ont plus à être opposés !

 

Penser la complexité
Pour mériter la qualification de protestante, la théologie doit apprendre à penser le complexe. Or, s’il est une urgence contemporaine, c’est bien de survivre dans la complexité d’une réalité où tout est interdépendant et où la logique d’Aristote est à la fois requise et récusée : dans l’ordinateur quantique de demain, 1 et 0 seront vrais au même instant ! La modélisation trinitaire affronte depuis des millénaires cette complexité : dire la multiplicité de nos compréhensions de Dieu, sans Le réduire à un modèle. Dire la pluralité du vrai, sans faire du modèle une idole, urgent défi pour aujourd’hui.

 

Dire sans conquérir
Pour mériter la qualification de protestante, la théologie doit aussi articuler conviction et tolérance. L’histoire huguenote devrait rappeler sans cesse l’importance de chacune. Nous n’avons pas à taire ce qui nous anime, pas plus que nous n’avons à convertir l’autre. Car la foi n’est pas ma production, c’est le don d’un autre : seul Dieu peut l’inscrire dans mon cœur. Mais Il a choisi de m’atteindre grâce au témoignage des autres. De sorte qu’il me faut apprendre à dire la foi sans jamais chercher à conquérir l’autre.

 

Vivre avec soi-même
En un mot, la théologie doit penser le lien entre le singulier et l’universel, entre l’objectif et le subjectif. Le respect de la subjectivité de l’autre impose que je n’en fasse pas un objet de ma propre subjectivité. Et donc que je fasse droit à l’objectivité de sa parole… qui fonde en moi une subjectivité nouvelle : en théologie, ça s’appelle « le chemin de Damas » ! L’enjeu n’est rien de moins que d’apprendre à vivre dans le monde avec soi-même et avec l’autre, grâce à Dieu !

 

 

 

 

 

#Dossiers #Théologie et politique

NEWSLETTER

Pour aller plus loin

Église et société : trouver et tenir sa juste place
Théologie et politique
Église et société : trouver et tenir sa juste place
Les protestants ont une proximité particulière avec la laïcité du fait de leur histoire, mais aussi de par leur lecture particulière du texte biblique. Ce rapport permet une distance féconde entre Églises et pouvoirs publics.
Changer le monde et pas de monde
Théologie et politique
Changer le monde et pas de monde
Est-il possible d’avoir une pensée politique articulée sur une pensée théologique ? Penser Dieu aide-t-il à penser le monde ? N’y a-t-il pas tout simplement une exclusion de l’un et de l’autre ? Penser l’un ne pourrait-il que favoriser l’emprise du religieux sur la société ?
Le protestantisme et la pensée politique
Théologie et politique
Le protestantisme et la pensée politique
Minorité parmi d’autres, en France, le protestantisme se considère souvent comme étant aux racines de la démocratie. De fait, si l’histoire de l’émancipation des protestants a accompagné celle du peuple français de la Révolution à la IIIe République, le lien n’est pas si évident. Et aujourd’hui, le protestantisme peut-il offrir quelques pistes à une réflexion politique ?
Quand la théologie interpelle la politique
Théologie et politique
Quand la théologie interpelle la politique
Entre les pacifistes absolus et les plus virulents partisans d’une intervention américaine dans le conflit mondial, y avait-il de la place pour une tierce pensée, pour une troisième voie ?
Charles Gide, penseur de l’économie sociale
Théologie et politique
Charles Gide, penseur de l’économie sociale
À la fin du XIXe siècle, lorsque commencent à s’affronter le capitalisme libéral et le socialisme marxiste révolutionnaire, Charles Gide et tout le mouvement solidariste naissant affirment que, hors de la solidarité, vécue par les personnes comme par les sociétés, l’avenir du monde ne sera que souffrance et guerres.
L’autorité selon Paul
Théologie et politique
L’autorité selon Paul
Certains textes de l’apôtre Paul sont un véritable éclairage de l’implication théologique dans la sphère politique.