Comment une famille espagnole est devenue protestante

« Toi qui marches, ce sont tes traces qui font le chemin, rien d’autre. Toi qui marches, il n’existe pas de chemin. Le chemin se trace en marchant » (Antonio Machado, poète espagnol exilé en France, mort d’épuisement à Collioure en février 1939). Il est des histoires de chemins improbables, comme celle d’une famille protestante espagnole.

Cette « histoire protestante » familiale commence à la fin du XIXe siècle : notre grand-père Domingo Heras naît en 1875, entre à 16 ans au séminaire, se prépare à être moine pour aller annoncer l’Évangile aux Philippines. Il cherche à mieux connaître les protestants, ce que le prieur lui refuse. Indigné par cette réaction et ne supportant plus la vie du couvent, il le quitte précipitamment. Il traverse les Pyrénées et arrive à Nérac où rapidement il cherche l’Église protestante. Le pasteur l’aide à apprendre le français, à trouver un travail et lui donne documents et informations sur le protestantisme. Voyant sa volonté de témoigner, il lui propose de faire des études de théologie dans une Faculté protestante en France. « C’est chez moi en Espagne que je veux annoncer l’Évangile », lui répondit Domingo. Et il rentre. Il passe quelques années dans un bataillon disciplinaire au Maroc, pour insoumission. Libéré, il commence sa carrière comme instituteur dans les écoles protestantes de Saragosse (ouvertes grâce à des missions étrangères telles que la Société biblique de Londres, le Comité allemand, et d’autres). En 1902, il est envoyé à Pradejon (Rioja).

 

 

Une histoire protestante espagnole

 

Son chemin rencontre celui de Ascension Benito Elizondo qui dirige l’Œuvre évangélique, à Pradejon en particulier, une école protestante. Née en 1880, Ascension fréquente les écoles protestantes de Bilbao (créées après le Comité allemand). Elle étudie au Collège international de San Sebastian, mais ne put obtenir le diplôme d’État d’institutrice, car protestante. Leurs deux chemins se rencontrent, Domingo et Ascension se marient en 1903.

 

Dionisio et Noëmi Mangado, témoins d’une histoire protestante

 

entre Espagne et France  (© collection particulière)

 

 

Un pasteur espagnol

 

Dionisio Mangado naît en octobre 1902, fils d’agriculteurs de Pradejon, catholiques non pratiquants. Sa mère l’envoie à l’école protestante dirigée par Domingo et Ascension Heras. Domingo lui apprend le français, lui fait découvrir la littérature et la théologie. Un projet prend forme chez Dionisio : devenir pasteur. En décembre 1919, Dionisio entre au Séminaire théologique de Madrid où il reprend ses études après le service militaire. Il les termine à la Faculté de théologie de Montpellier où il entre en 1928.

 

 

Retour en Espagne en 1931, il y est ordonné pasteur en août et envoyé à Bilbao. Le 3 août 1932, il épouse Noëmi Heras, fille de Domingo et d’Ascension. La guerre civile bouleverse ses projets. Il est mobilisé comme aumônier des hôpitaux pour visiter les blessés de la guerre. En mai 1937, en plein siège de Bilbao, leur fille Noëmi (née en 1933) quitte Bilbao avec sa grand-mère Ascension sur le transatlantique Habana (Domingo est mort en 1923) ; le 17 juin, Noëmi, son épouse, quitte également Bilbao sur un autre bateau. Quelques mois plus tard, aidé par le ministre du ravitaillement, l’avocat Aldasoro, Dionisio se réfugie en France. Il retrouve sa famille à Clairac chez le pasteur Jacques Delpech.

 

 

Un héritage vivant

 

Avec son épouse Noëmi, ils tracent un long chemin de service de la Parole et des autres : Ferrières de novembre 1937 à juin 1945 (où naissent trois autres enfants) ; Mazamet de 1945 à 1952 ; puis Toulouse de 1952 à 1972. Ils se consacrent aussi à l’accueil de réfugiés espagnols, au soutien des Églises protestantes espagnoles (Dionisio entreprend une tournée de paroisses suisses pour trouver des fonds pour Pro Hispania), à l’animation de groupes de protestants espagnols. Dionisio est membre du Comité des Églises auprès de travailleurs migrants en Europe occidentale du Conseil Œcuménique des Églises.

 

 

Dionisio et Noëmi ont tracé des chemins, souvent ardus, en serviteurs fidèles, témoins humbles, infatigables. Ils nous ont appris, enfants, petits-enfants, à accueillir, écouter, partager, nous rappelant que, comme le dit ce chant que Dionisio aimait particulièrement « Jésus est notre ami suprême… Il est le Sauveur qui délivre, Il est le Roi qui nous fait vivre, Il est le Maître qu’il faut suivre… »

 

 

 

 

 

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