Cette réaction populaire pourrait faire écho à l’apophtegme de Pierre Desproges : « On peut rire de tout, mais pas avec n’importe qui ». Le rire est certes un espace de liberté où tout peut être abordé, mais en tenant compte du contexte et de l’ouverture d’esprit des interlocuteurs.
On peut rire de la mort, comme le faisait Brassens ; mais peut-on rire lors d’un enterrement ? On peut se moquer de Hitler, à l’exemple de Charlie Chaplin, mais pas des victimes de la Shoah. Décence, respect et compassion devraient l’emporter en de telles situations.
Et ne pas rire avec n’importe qui suppose encore une autre contextualisation : est-il convenable de faire une blague belge à Bruxelles ?
Non, sauf si votre intention est de provoquer, ou si votre interlocuteur a suffisamment de hauteur d’esprit pour l’apprécier.
Pour briller dans une réception, ou lors de la première rencontre avec vos futurs beaux-parents, tout comme autrefois dans les salons mondains, il convient d’avoir de l’esprit, de la répartie, une manière vive et plaisante de discourir en multipliant les bons mots.
Mais faire un mot d’esprit n’est pas sans conséquences, selon le registre employé, qui peut aller de la blagounette au sarcasme. Avec de la finesse, cela peut être positif ; par exemple la moquerie peut favoriser une prise de conscience chez les personnes visées, comme dans l’épisode biblique où Élie taquine les prophètes de Baal (1 Rois 18:27) qui échouent à faire descendre le feu de leur dieu sur leur sacrifice : « Criez plus fort, car il est dieu, il a des préoccupations, ou il est en voyage, ou peut-être qu’il dort et il s’éveillera ». Et ça marche : les prophètes de Baal se rendent compte de l’absurdité de leur foi.
Pratiqué avec bienveillance, sans chercher à briller aux dépens d’autrui, l’humour peut faire rire sans froisser les sensibilités, et même aider à apaiser des conflits. De cet humour vertueux on peut user sans modération. Mais où sont les limites ? Le magazine Charlie Hebdo a récemment lancé un concours de caricatures baptisé #RiredeDieu, pour dénoncer l’emprise de toutes les religions sur les sociétés. Il est adressé : « Àceux qui en ont marre de vivre dans une société dirigée par Dieu et la religion – À ceux qui en ont marre qu’on les bassine avec le soi-disant Bien et le Mal – À ceux qui en ont marre de tous les chefs religieux qui nous dictent notre vie ». Qu’en pensez-vous ?
Sommaire de Paroles protestantes Est-Montbéliard nº201
