On va commencer par quelques repères…
Je suis né à Marseille et j’y ai vécu un peu plus de 20 ans. Puis j’ai rencontré celle qui partage ma vie, Isabelle, qui est assistante sociale dans le monde du handicap. Elle n’a pas supporté Marseille, je l’ai donc rejointe dans sa belle ville d’Antibes où nous habitons depuis 1989.
J’ai suivi tout un parcours protestant – avec les pasteurs Raymond Dodré, Jacques Marchand, Michel Bertrand. C’est dans un camp de ski organisé par ce dernier à Saint-Véran que j’ai rencontré ma future femme. Mes parents étaient très engagés dans l’Église. Ils m’ont laissé demander le baptême à 10 ans et nous avons fait la même chose pour nos enfants : ils ont reçu une éducation chrétienne et ont choisi ensuite.

Vers quelles études vous êtes-vous orienté ?
J’ai fait des études pratiques (comptabilité et finances) pour entrer rapidement dans le monde du travail. J’ai été objecteur de conscience pour la FEEUF (les éclaireurs), puis engagé aux niveaux régional et national. Ensuite, nous nous sommes mariés, à Aix, avec le pasteur Gérard Merminod. Nous avons trois grands enfants.
J’ai travaillé dans un cabinet d’expertise comptable à Antibes et, très vite, j’ai eu envie de créer un cabinet de conseil en micro-informatique, qui en était à ses balbutiements dans les années 90.
Par ailleurs, vous aviez déjà quelques bénévolats…
Oui, avec l’entraide de la paroisse, qui soutenait la Maison de la solidarité à Antibes, un lieu d’accueil pour des personnes en désinsertion sociale. Cette ville connaît un très grand écart entre une population ultra-riche et puis une population de travailleurs pauvres, pas forcément étrangers. Nous voulions permettre à ces gens de se poser, d’avoir une chambre, un suivi social et psychologique. Les communautés catholique et protestante de la ville avaient fondé cette action, qui, pour diverses raisons, a été reprise en mains par l’État. C’était un magnifique projet, d’œcuménisme, de témoignage…
Les photos envoyées montrent une action qui concerne le handicap…
Quelques années après la création de mon entreprise, un chasseur de têtes m’a orienté vers la Villa Saint-Camille à Théoule-sur-Mer. Un prêtre de l’ordre des Camilliens, frères et serviteurs des malades, avait donné naissance à ce lieu intergénérationnel et de brassage social, qui inclut une maison de retraite, une maison de tourisme social et un centre d’hébergement et de réinsertion sociale. Là, on vit ensemble et on bénéficie des mêmes prestations. Une vue sur la mer à 180°, un endroit paradisiaque, et le projet de vivre des choses magnifiques aussi ! J’en suis donc devenu le responsable administratif et financier (j’avais mis mon cabinet en sommeil). Ces années ont été parmi les plus belles de ma vie professionnelle.
Combien de temps y êtes-vous resté ?
Une petite dizaine d’années. Après, je me suis arrêté de travailler à cause d’une maladie qui m’a handicapé dans mes déplacements. Avant qu’on trouve un traitement, j’ai été très diminué. Peut-être que j’avais trop tiré sur la corde…
Cette « sarcoïdose » fait que je marche quasiment toujours avec une canne, je suis parfois en fauteuil roulant, j’utilise souvent un petit scooter pour personnes à mobilité réduite. Pendant 4-5 ans, ça a été compliqué et puis j’ai recréé un cabinet de conseil, cette fois sur le volet handicap. Mais l’administration française est ainsi faite qu’il est impossible, quand on est reconnu invalide à un certain degré (je le suis à 80 %), de créer ou d’être salarié. C’est plutôt : recevez une pension et taisez-vous. Mais pour moi, il n’était pas question d’en rester là !
Quel type d’association avez-vous voulu créer ?
Avec d’autres, j’ai créé l’association « Accéder Côte d’Azur », pour être à l’écoute avant tout, sur un territoire proche. Quand elle peut résoudre un problème, elle le fait. Sinon, elle met en relation, elle facilite pour ne laisser personne sans réponse. Nous siégeons dans un maximum de commissions d’accessibilité sur notre territoire, dans le cadre « bâti » surtout. Et dans toutes les instances possibles, nous portons la parole des personnes en situation de handicap.
On intervient beaucoup sur la sensibilisation. Il faut arriver à faire comprendre que la personne en situation de handicap est une personne « capable autrement », comme le dit l’Agefiph, qui soutient l’emploi de ces personnes.
Quand on a créé cette association, à quelques-uns, on se connaissait un peu et on s’aperçoit maintenant qu’on est tous chrétiens ! Pas tous engagés au même niveau, mais accordés sur nos valeurs.
Et Benoît prédicateur, c’est arrivé comment ?
Giovani Musi, mon pasteur maintenant à la retraite, m’a donné une occasion de le remplacer un dimanche. Tout était déjà prêt et je n’ai eu qu’à me saisir du culte. C’est arrivé une deuxième fois, puis une troisième, avec plus de temps… Il m’a formé, finalement, et je prêche depuis trois ans. Je travaille énormément, mais c’est le bonheur absolu ! Transmettre un message en étant conscient qu’il ne nous appartient pas… Dans la liturgie, veiller à ce que tout se fasse écho. Souvent, au moment de prêcher, je sens très fortement que le texte de la prédication m’échappe et que ce n’est plus moi ! On se détache de ce qu’on a écrit et ce qu’on transmet prend tout son sens.
En quel Dieu croyez-vous ?
Je crois au Dieu de la rencontre, au Dieu de l’amour. J’aime bien ces mots qui disent : Dieu est derrière moi pour me pousser, devant moi pour me précéder, à ma droite et à ma gauche… il est partout. Ma grand-mère paternelle aimait ce verset : « Tout vient de lui, tout existe par lui et pour lui. » (Romains 11.36) Cette centralité… Il est là, même dans des périodes difficiles. Souvent, les personnes handicapées ont des périodes de déprime et je leur dis : « Tu as déjà pris l’avion ? Eh bien, l’avion, à un moment, il sort des nuages et le soleil est là. Mais en fait… il est toujours là ! »
Et… j’ai encore un autre engagement ! Les frères catholiques de l’Oratoire de France m’ont demandé de devenir président de l’OGEC (organisme de gestion) d’un établissement catholique d’enseignement.
Donc, vous êtes très occupé et ce n’est pas encore l’âge de la retraite.
Non, je suis né en 1965, le 31 décembre. En fait, je suis un enfant de l’assistance publique. Mon papa travaillait à une époque à la DDASS. On s’est croisés un jour dans un couloir – on ne se connaissait pas – et je suis allé mettre ma main dans la sienne. Cela a fait déclic. Mes (futurs) parents avaient des difficultés à avoir un enfant. Mon papa a dit à Maman : « Je crois que j’ai trouvé notre fils ».
Donc, je n’ai pas de « précédé », comme dit Jean Ansaldi, pas de précédé connu de moi, donc pas de pression. Évidemment, dans cette grande famille Warnery, il faut se faire un prénom ! Mais je le prends très bien. Je n’ai que la lignée de l’amour et c’est la plus précieuse !
