Dans les catégories de la Création, Denis Perrimond se situerait plutôt du côté de tout ce qui grouille et remue, de bestioles vivantes sur la terre et dans les eaux. Il se présente comme herpétologue amateur, donc de connivence avec les reptiles et les amphibiens. Mais il est également ingénieur environnement, de métier. Il peut évoquer avec une égale passion le traitement de l’eau, les déchets, les polluants et les formes de vie les plus surprenantes, anciennes ou contemporaines.

Région verte
Dans le cadre du Groupe théo du Moulin, il avait été entendu sur les « continents » de déchets. « Cela fait plus de 20 ans qu’à Région verte, nous en parlons ! En 1990, on avait mis en place avec le maire une opération “Mer propre”, avec distribution sur les plages de petits containers pour les déchets, notamment tous ces mégots qu’on retrouve ensuite en mer. Dans les années 80, on faisait déjà le nettoiement des ruisseaux. Pour nous, l’environnement est l’affaire de tous, qu’on soit de droite ou de gauche, ou sans étiquette. Région verte a eu une influence mondiale à l’époque, avec des personnalités comme Alain Bombard. Aujourd’hui, nous sommes apolitiques et nous soutenons des gens de tous horizons. »
Au sein de Région verte, une association fondée en 1983 par Noël Perna – figure de nombre de combats pour l’environnement –, Denis Perrimond a participé à diverses opérations en Afrique (Burkina Faso, Bénin, Togo), dans les années 90 et jusqu’à aujourd’hui. « Au moment où la pandémie s’est déclarée, j’étais sur un projet avec une association de femmes africaines, directrices d’entreprises au Sénégal, pour assurer l’autonomie des villages concernant l’eau et les plantations. » Il raconte aussi ces réservoirs d’eau pleins de plastique et de polluants, ou ces containers arrivant d’autres pays ou continents, remplis de déchets industriels toxiques et débarqués au Nigeria et au Burkina… Et mentionne les congrès internationaux organisés par l’association au sujet de l’eau, dont l’accès est devenu un enjeu politique majeur.
Cannes, ville pionnière
L’ingénieur a été responsable, avec le maire de Cannes, du Sivades (syndicat intercommunal pour la valorisation des déchets) et secrétaire du Sicasil (pour l’alimentation en eau potable). Actuellement il est membre de la CDNPS – commission départementale nature paysages sites – des Alpes-Maritimes.
Denis Perrimond est formel : pour lui, Cannes est une des villes les plus dynamiques pour l’environnement. « Cela remonte au Moyen Âge ! Ce sont les moines de Lérins qui ont fondé l’écologie telle qu’on la conçoit aujourd’hui. Les templiers sont les inventeurs du compost et nous sommes dans une zone “templière” importante. Ils avaient expérimenté des pratiques d’autres pays et ont transmis ces savoirs aux gens de la région. Le marécage immense qui était présent ici, les moines l’ont aménagé et rendu vivable. » Suit une description fascinée des oiseaux et papillons qui venaient, dans son enfance, chercher l’eau parfois abondante dans la plaine. « Aujourd’hui, des ingénieurs ont construit des réseaux hydrauliques tout droits, bétonnés, et l’eau qui arrive de la montagne ne tourne pas ! » Résultat : des catastrophes… et une faune qui a disparu.
Parmi ses fiertés, le centre de tri et de recyclage de Faysse Longue, reconnu comme le plus performant d’Europe. Ou encore la première usine de traitement par « ultrafiltration », inaugurée dans les années 90 : « L’eau est aspirée dans des tubes et tout ce qui est plus gros que le micron est retenu, seule la cellule d’eau passe. Les virus et métaux lourds sont bloqués. L’eau qui sort de l’usine est plus pure que celle qu’on achète ! Ce procédé, développé avec la ville de Cannes et la Lyonnaise des eaux, notre partenaire historique, est un modèle pour de nombreuses villes du monde. Et il est aussi bien utilisé dans de petites unités mobiles pour des villages. »

(© D. Perrimond)
La Provence et les îles
Denis Perrimond – comment s’en étonner ? – est également engagé dans la préservation des îles de Lérins, qui font face à Cannes. « Un ami naturaliste venu sur l’île Sainte-Marguerite a trouvé en une journée quatre nouvelles espèces de pseudo-scorpions et d’araignées ! Nous avons sept espèces endémiques dans la baie de Cannes, dont un petit ver marin, découvert par Anne-Marie Stevenino, auteure de la statue qui se trouvait au mémorial huguenot, passionnée de plongée et écologiste dans l’âme. Cette limace de mer n’était connue que par un seul exemplaire, péché par le Prince Albert Ier de Monaco dans les années 1900 ! »
L’ingénieur, professeur et militant, explique que la terre de Provence a cette particularité d’héberger 80 % des espèces animales et végétales qu’on trouve en France. « C’est un lieu mythique pour l’environnement, témoin du repeuplement survenu il y a 10 ou 15 000 ans, après les glaciations. »
Perspectives
Ses rêves pour la région ? Il en décline trois.
– « Je souhaiterais que dans tous les ports et les restaurants côtiers, les moloks soient présents. » Les moloks, ce sont ces containers fermés qui empêchent les écoulements, les odeurs et sont, selon notre spécialiste (qui fut responsable du développement de Molok France pour la région sud), 18 fois moins chers que les systèmes enterrés.
– Que soit construite l’usine de traitement des « fermentescibles » pour laquelle il s’est battu pendant plus de 20 ans.
– Enfin, que soit assurée la préservation des milieux humides. « En France, on a réduit de 80 à 90 % les zones humides, qui portaient des espèces endémiques de chez nous. Qui les protégera, si ce n’est pas nous ? »
Avant de repartir, je demande à Denis Perrimond… une petite confession de foi. « Ce qui me porte, répond-il, c’est la conviction qu’on peut “sauver” quelque chose – pas tout, bien sûr… Dieu nous a fait un don que nous devons préserver. Mais je me sens aussi très proche de la pensée indienne pour laquelle la terre, c’est la mère. Il y a malheureusement chez les protestants des gens comme Bolsonaro ou Trump, pour qui Dieu a fait le monde il y a 6 ou 8 000 ans… Selon eux, si Dieu a créé les espèces, on peut tout détruire puisqu’Il peut tout refaire ! Je pense que la vie est un principe créateur que le Seigneur a posé, nous en sommes les héritiers sur notre terre, mais je ne suis pas persuadé que nous soyons les seules graines qu’il ait distribuées dans l’univers. Le principe de la vie est immense : Dieu, dans sa bonté, a donné des choses que nous ne pouvons atteindre avec nos petites pensées ! »
