Réveil : cela fait 20 ans que l’Église de Valserine Haut-Bugey (anciennement Bellegarde) est en vacances pastorales.
M.R. : Officiellement oui, mais il faut reconnaître que nous avons eu quelques présences pastorales de durée et d’implication variables, mais plus aucun pasteur investi d’une vision à moyen ou long terme. En plus nous avons bénéficié de l’aide des ministres régionaux (particulièrement des biblistes) et aussi, plus récemment, une implication grandissante des pasteurs du consistoire. Évidemment, au moment du départ du pasteur Ludwig, nous n’imaginions pas que la vacance durerait aussi longtemps.
R : À quel moment avez-vous compris que cette vacance s’inscrirait dans la durée ? Comment cela fut-il reçu et quelles en furent les conséquences ?
M.R. : Nous l’avons assez rapidement compris en voyant que le conseil régional ne nous proposait personne pour un ministère longue durée. Nous avons cru percevoir une volonté des instances de voir notre Église se faire absorber par une autre. Aujourd’hui, je dis « crû percevoir », mais à l’époque nous étions convaincus que le conseil régional avait décrété la mort de notre paroisse. Avec du recul, je pense qu’il y a eu beaucoup d’incompréhension de part et d’autre de nos demandes. Comme, en plus, cela arrivait dans un temps de creux de la vie locale, nous nous sommes braqués et ce fut une période de tristesse, de révolte et, disons-le, de colère. Nous ne voulions pas mourir en tant qu’Église locale et devenir la banlieue plus ou moins desservie d’une autre. Subséquemment, nous nous sommes, involontairement, quelque peu rétrécis, perdant notamment nos activités à Oyonnax ; ce qu’aujourd’hui encore, je regrette, mais tout n’est pas perdu et un jour, qui sait ?

Valserine Haut-Bugey : jour de fête avec la communauté musulmane
au temple en 2018 © DR
R : Vous parlez de ce temps de colère au passé, donc la situation a évolué ?
M.R. : En effet, deux facteurs ont joué de façon concomitante : d’abord un renouvellement des personnes participant à la vie de l’Église et prêtes à s’engager (pas autant que nous l’aurions souhaité, mais nous leur en sommes déjà très reconnaissants) et une volonté de recul sur notre situation. Nous nous sommes rendu compte que nous étions en train de nous victimiser, que nous attendions tout de l’extérieur ; nous avons décidé de nous reprendre en mains ; après tout nous avions des forces. La prise en compte de ces forces nous a aussi amenés à percevoir nos limites et à assumer aussi bien nos capacités que nos manques. Nous avons accepté l’idée qu’il faudrait à la fois nous prendre en charge et oser demander de l’aide pour ce qui nous paraissait en dehors de nos capacités : par exemple, nous assurons nous-mêmes la catéchèse, mais, comme cette année nous avons la joie d’avoir trois confirmands, nous avons demandé de l’aide au consistoire et l’un des pasteurs a accepté d’accompagner les jeunes dans cette démarche. Depuis une petite dizaine d’années, les relations et la collaboration avec le consistoire se sont améliorées ; je lie ça au travail sur les ensembles (Léman-Savoie est à la fois consistoire et ensemble). Auparavant, nous avions l’impression d’être négligés, maintenant nous avons le sentiment d’être réellement pris en compte.
R : Comment voyez-vous l’avenir et quelles sont vos attentes ?
M.R. : Nous avons l’intention de poursuivre de nouvelles façons de faire (telle que notre collaboration avec Bresse-Bugey-Dombes, pourtant hors consistoire) et renforcer nos liens avec d’autres Églises présentes sur le territoire, telle celle des mennonites. Mais, nous avons toujours besoin – et envie – d’un pasteur, même si nous sommes bien conscients qu’il nous faudra le partager et qu’il faudra trouver comment le faire. Nous ressentons le besoin d’être accompagnés sur le long terme.
