Dialogue et partage au temple du Saint-Esprit

Chaque automne, l’association Esprit-Culture propose un cycle de trois rencontres au temple du Saint-Esprit. Cette année, comme les précédentes, ce sont des personnalités talentueuses que l’association a convaincues de se livrer, pendant une heure, au jeu des questions et des réponses. Les invités ont accepté le défi de témoigner de leur moteur intérieur et de confier ce qui guide leur engagement.
Martine Jullian, Présidente de l’association Esprit et Culture
Martine Jullian,
Présidente de l’association Esprit et Culture

L’association Esprit-Culture a pour objectif de contribuer au rayonnement de la paroisse et du protestantisme en général. Elle porte plusieurs projets chaque année. Pour les rencontres d’automne, la présidente, Martine Jullian, tient à le souligner : « Le choix des intervenants est réalisé en équipe. » Chacun propose des noms de personnalités au parcours inspirant, argumente ses choix, puis les personnes retenues sont contactées avec l’espoir qu’elles trouvent un créneau dans leurs agendas, tous très chargés. En effet, celles et ceux qui sont attendus pendant près d’un an sont des citoyens engagés à temps plein.
« Ils ne sont pas nécessairement chrétiens ou protestants, précise la présidente, mais tous sont porteurs de convictions mises en valeur avec sincérité et dans le respect des diversités d’opinions. »

 

AMIN MAALOUF, SECRETAIRE PERPETUEL DE L’ACADEMIE FRANÇAISE

 

Né le 25 février 1949 à Beyrouth, Amin Maalouf est un écrivain libano-français. Il a reçu le prix Goncourt en 1993 pour Le Rocher de Tanios et a été élu à l’Académie française en 2011. Depuis le 28 septembre 2023, il est secrétaire perpétuel de l’Académie française.

 

Amin Maalouf, Secrétaire perpétuel de l’Académie française, le 15 octobre 2024
Amin Maalouf, Secrétaire perpétuel de l’Académie française, le 15 octobre 2024

 

 

« Parlez-nous de vous, de votre enfance. »
Dès les premiers instants, Jean-Arnold de Clermont a invité l’académicien à se livrer. Il s’est prêté au jeu, malgré la complexité de son récit familial : né au Liban dans une famille d’intellectuels libanais de confession protestante et issue d’une tribu chrétienne sédentarisée sur les pentes du mont Liban depuis le XVIe siècle. Il a consacré les premières minutes de son intervention à son enfance, décrivant ses diverses influences. Son parcours en témoigne plus que tout autre :
« L’identité de toute personne est faite d’un grand nombre d’appartenances. On peut faire son examen d’identité, comme on fait son examen de conscience. »
Et son analyse est sans appel :
« Le problème principal, aujourd’hui, c’est la question de l’identité. Il faut assumer notre liberté : c’est moi qui choisis mes appartenances. Personne n’a le droit de me dire : “Tu es ceci et, parce que tu es ceci, tu vas faire cela.” Il faut assumer notre liberté. Partout dans le monde, les gens se sentent attaqués dans leur identité. »
Selon lui, il faudrait que dans chaque pays des personnes se préoccupent de l’entente entre les gens.
« Et votre vision sur l’évolution de la langue ? »
L’académicien a affirmé ne pas craindre le changement, car « une langue doit pouvoir exprimer toute la modernité du monde ». À chaque arrivée d’un nouveau mot venu de la langue dominante, doit-on l’adopter ou le traduire ? Il a rappelé l’exemple de software, devenu « logiciel », ou encore computer, remplacé par « ordinateur ». Introduire des mots et les faire adopter est l’une de ses principales préoccupations.
Il a exprimé son inquiétude face à l’hégémonie de la langue anglaise dans le domaine des sciences, désormais presque exclusivement transmises en anglais. Le progrès technologique facilitant les traductions instantanées renforce ce danger pour la langue française. Sans surprise, il a exprimé son souhait de voir la langue française s’étendre, notamment en Europe, tout en déplorant son recul.
« J’appartiens à deux pays à la fois : la France, où c’est impensable de discriminer, construite par l’État avec un pouvoir central, et le Liban, où on parle constamment de communauté et pas d’État. »
Cette double appartenance lui confère un regard unique sur la question de l’identité.

 

DIDIER SANDRE, SOCIETAIRE DE LA COMEDIE-FRANÇAISE : UN PROTESTANT DANS LE DOUTE

 

D’emblée, Didier Sandre s’est livré sans fard :
« Dieu est tombé quand j’avais 14 ans. Je suis allé voir mon oncle pasteur pour lui avouer que je ne me sentais pas prêt à faire ma confirmation, et il m’a répondu : “Tu ne peux pas faire ça à ton père.” »
Cette réponse a bouleversé l’adolescent, le plongeant dans le doute et provoquant un rejet de son éducation. Il lui faudra des années pour s’en remettre :
« J’avais la foi en ce que je faisais, en la création. Je vivais avec la foi, mais je ne savais plus laquelle. »
Il a raconté avec éloquence ses découvertes de Paul de Tarse et de Claudel, qui l’ont transformé.
« Je pense qu’il n’y a qu’une seule foi et plusieurs façons de la mettre en pratique. Toutes les manières d’exercer la foi m’ont impressionné. Il y a une force. Il y a une différence entre les gens habités par la foi et ceux qui ne le sont pas. »
Une vie transformée par le théâtre
En 1968, à Nanterre, alors qu’il jouait une pièce de Claudel, il a reçu des projectiles, prémices des événements de Mai-68. Cet incident lui révéla la force et les risques du théâtre. Il décida alors de prendre ce risque :
« J’ai retrouvé chez Claudel la force du verbe qui m’avait séduit enfant. Dans la profession, je suis devenu celui qui pouvait dire les textes de Claudel. »
Le comédien a souligné que jouer ne l’intéresse pas tant que cela ; ce qui le motive, c’est dire de beaux textes. Il préfère les pièces intemporelles, éloignées de la réalité quotidienne.
« Jouer, pour moi, c’est un travail. Quand je me présente au public, je présente mon travail sans chercher à convaincre. »
Il relie cette éthique du travail aux valeurs protestantes de son enfance.
Lorsqu’un spectateur lui a demandé quel personnage de la Bible il aimerait interpréter, il a répondu immédiatement :
« Judas, car il était à part, car il a été choisi pour accomplir ce qu’il devait faire. »
Avant d’ajouter :
« Jésus ! Jésus ! Son histoire est une aventure sublime. Le personnage est extraordinaire. »

 

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VALENTINE ZUBER, HISTORIENNE, SPECIALISTE DES DROITS DE L’HOMME ET DE LA LAÏCITE : ENGAGEE ET PASSIONNEE

 

Valentine Zuber est directrices d’études à l’École pratique des hautes études, titulaire de la chaire « Religions et relations internationales ».
Elle est membre du conseil d’administration de la Vigie de la Laïcité (où elle traite de questions comme : un maire peut-il annoncer une manifestation religieuse ?) et de celui de Réforme. Parmi ses nombreux ouvrages, on peut citer Les conflits de la tolérance. Michel Sevet entre mémoire et histoire (XIXe-XXe siècles), L’origine religieuse des droits de l’homme, et tout récemment, avec B. Chélini-Pont, Géopolitique des droits humains. L’universalisme mis au défi.

 

Valentine Zuber, habituée du temple, y est revenue avec joie, en souvenir de ses origines protestantes paternelles (Mulhouse).
À la question « les religions alimentent-elles les conflits internationaux ? », elle répond que les conflits sont davantage le fruit des politiques menées que des religions. Selon elle, les institutions religieuses ont au contraire un rôle à jouer pour apaiser les tensions, grâce à leur dimension transnationale.
Malgré un pessimisme ambiant, elle estime que le christianisme n’est pas menacé, mais elle regrette le manque de transmission religieuse en France :
« Ce temple sera-t-il encore habité dans trente ans ? », se demande-t-elle.
Son moteur intérieur reste sa foi, qui nourrit ses nombreux ouvrages.

 

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https://templedusaintesprit.fr

 

 

 

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