Que les riches soient riches, voire très riches, je m’en moque. Je ne suis pas jaloux même s’il est vrai que la concentration de pouvoir que procure des moyens financiers démesurés pose un problème démocratique. L’Évangile ne condamne pas la richesse elle-même, mais son mauvais usage. « Là où est ton trésor, là aussi sera ton cœur », disait Jésus. Mais que certains d’entre nous soient trop pauvres pour mener une vie décente, je ne m’en moque pas du tout.
Décente… le mot est simple mais redoutable. La vie devient indécente quand elle enferme dans la précarité, amoindrit la capacité de décider, dégrade l’estime de soi, prive de liberté et d’espérance. On ne peut renvoyer les personnes concernées à leur seule volonté. Comme l’écrit l’apôtre Jacques : « Si un frère ou une sœur sont nus et manquent de nourriture, et que l’on dise : Chauffez-vous, rassasiez-vous ! sans leur donner ce qui est nécessaire, à quoi cela sert-il ? » Cette question de décence est collective, politique. Elle ne saurait se réduire à la charité privée, ou à l’Entraide de nos paroisses, si généreuse soit-elle. C’est l’ensemble de la communauté qui devient indigne de laisser certains sur le bord de la route. Influencée par une certaine éthique protestante de la liberté et de la responsabilité, la société américaine tend à laisser le soin de partager à la bonne volonté des riches eux-mêmes. Notre modèle français, lui, plus marqué par la passion de l’égalité, organise la solidarité par le biais de l’impôt. Pour nous, ce n’est pas tant une affaire de charité qu’une question de droit. D’un bout à l’autre de l’échelle, il y aura toujours des tricheurs, c’est vrai. Que ce soit pour profiter de la solidarité de manière indue ou pour tenter d’échapper à l’impôt. Il appartient à chacun d’examiner sa conscience et à l’État de traquer les voleurs. Mais peut-on pour autant renoncer à lutter ensemble contre l’indécence qui fracture la société ? Demandons-nous ensemble : qu’est-ce qu’une vie décente ? Répondre à cette question exige d’associer les personnes concernées. N’est-ce pas cela, la première marche d’une vie décente ? Être écouté, être regardé, être compté parmi les vivants. Cette rentrée peut être l’occasion, à travers nos engagements, nos débats, nos prédications, nos Entraides, d’apporter notre contribution, en paroles et en actes, dans cette réflexion éminemment politique. « Ce que vous aurez fait au plus petit d’entre mes frères, c’est à moi que vous l’avez fait » disait Jésus.
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Sommaire de Paroles Protestantes Paris nº498, septembre 2025
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