Samuel Amédro
Alors Noël vient faire rupture. « Lorsque les temps furent accomplis, Dieu envoya son Fils… afin que nous recevions l’adoption » (Ga 4.4-5). Dieu dit stop et offre un arrêt libérateur, une brèche où peut renaître le souffle, la liberté intérieure et le sens du sacré.
Pas le sacré qui sépare le pur et l’impur, qui hiérarchise le sacré et le profane mais le sacré qui relie : le fini et l’infini, le temps et l’éternité, l’humain et le divin. À Noël, le sacré n’est pas ailleurs : il se risque au cœur du monde.
Notre époque ne croit plus en Dieu, mais ne supporte pas le vide. Alors elle sacralise la nature, le désir, le corps, le succès, le bien-être. Ce pseudo-sacré enfle au lieu d’élever, recentre sur le moi et il enferme. Quand chacun sacralise son désir, plus rien ne fait limite. Ce n’est pas le sacré biblique, qui ouvre à l’Autre et à la responsabilité.
Dans ce monde saturé de faux sacré, une femme chante « Mon âme exalte le Seigneur… ». Marie chante non pas pour s’évader, mais pour résister. Lucide devant l’ordre établi, la loi du plus fort, le danger de la résignation – son cœur lance un chant de liberté et d’émerveillement.
Noël n’est pas une bluette pour les enfants mais une insurrection spirituelle. Dieu interrompt le désenchantement du monde et le sacré refait surface – non pour dominer, mais pour inspirer. Le vrai sacré relie et transfigure. Il permet d’adorer sans idolâtrer. Il rouvre l’espace du mystère et retrouve le silence et la présence. Puissions-nous consentir à ne pas tout comprendre pour chanter de nouveau. Noël arrête le vacarme et rend possible la louange. Quand renaît le sacré, renaît la joie : la liberté l’appelle, la joie devient chant qui rend au monde son âme.
