Luc 19.28-40 : De tout notre souffle… avant que les pierres ne crient

C’est bien une histoire paradoxale que nous offre Luc dans son Évangile.
La nature inanimée confesserait aussi l’Évangile © Commons wikimedia
La nature inanimée confesserait aussi l’Évangile © Commons wikimedia

 

 

Jésus pleure sur Jérusalem. Et dans le temps qui est là, personne n’arrive à le reconnaître : « parce [nous dit l’Évangile] qu’ils n’ont pas reconnu le temps où tu as été visitée. » Il y a de quoi, comme Jésus d’être angoissé devant la ruine prévisible de l’orgueilleuse cité de Dieu. Jésus a autant de motifs à pleurer sur son Église lorsqu’elle ne répond pas mieux que la Jérusalem d’hier à son impérative mission qui consiste à faire rayonner la paix authentique que son Seigneur lui offre. Comprenons alors la tristesse profonde de Jésus quand il voit que ceux qui ont reçu de lui le secret de la paix, et devraient le crier et le manifester en paroles et en actes, paraissent aussi inconscients que les autres…

 

Quand le maître devient Seigneur

 

Ce jour-là, Jésus accepte, à travers cet accueil triomphal, d’être reconnu comme le Seigneur : « Vous répondrez : parce que le Seigneur en a besoin. » Pour la première fois l’Évangile désigne Jésus par ce terme que nous traduisons depuis par « Seigneur ». Le kurios, le Seigneur, c’est le maître, c’est celui qui est libre par rapport à toute les formes d’esclavage, libre par rapport à tout ce qui assujettie, libre au point de pouvoir disposer de toutes choses. Jésus ne se dissimule plus, il ne se dérobe pas. Mais cet être libre n’est pas un Seigneur tel que la foule enthousiaste l’entend. Il n’est pas un chef politique, un roi qui viendrait délivrer d’un envahisseur. Il n’est pas non plus ce messie qui va annoncer la fin de l’histoire. Il est autre chose. Il est celui qui est envoyé par Dieu. Il est très exactement cette parole faites homme… Alors, si ce maître nous pouvons l’appeler messie, si nous pouvons le dire Christ, c’est parce qu’il l’est exactement au sens du serviteur dont nous parle le prophète Ésaïe, comme celui qui est chargé d’annoncer la Parole de Dieu. Comme ce serviteur qui ne sera pas écouté au point d’endurer la violence et le rejet. Mais, rajoute le prophète, à travers sa mise à mort, il interpellera finalement celles et ceux qui le voient pendu au bois, il les déconcertera, il les amènera à se poser des questions. Voilà pourquoi nous devrions comprendre que la passion ce n’est pas le jardin des Oliviers, la passion ce n’est pas Gethsémané et encore moins le Golgotha… La passion de ce maître, de ce Seigneur, de ce Christ, c’est sa vie tout entière. Et contrairement à ce que nous croyons trop souvent, il ne nous offre pas sa vie jusqu’au dernier souffle… Non, au contraire, depuis toujours il nous offre tout son souffle. Toute sa vie le Verbe fait chair nous offre tout son souffle. Il faudrait enfin que nous réalisions pleinement que s’incarner, c’est s’engager à la racine, c’est être tout entier dans son acte, tout entier à donner tout son souffle… Et du souffle il n’en manque pas. Certes Jésus s’avance vers la mort, mais c’est une victoire plus belle qu’au jour de sa naissance. Il s’avance vers la mort, mais c’est le triomphe de la liberté. À Bethléem les voix qui chantaient « Paix sur la terre et gloire au plus haut des cieux ! » venaient des hauteurs, de la sphère divine, des cieux profonds. Aujourd’hui, les voix sont humaines ; elles chantent les mêmes mots sur les routes pierreuses. « Béni soit celui qui vient au nom du Seigneur. » Ces voix chantent mieux que les anges. Mais il y a plus merveilleux encore que ces chants ; tous ceux qui sont là mettent des vêtements sur le chemin… La route est recouverte de vêtements. Le chemin est désormais humanisé. La route est à dimension de chacun de nous. Voilà pourquoi si les chants s’arrêtaient, si les foules venaient à se taire, alors les pierres du chemin feraient entendre tôt ou tard, l’appel à l’esprit de liberté insufflé dans le monde dès le premier jour de sa création. Hier, aujourd’hui, demain, là-bas, ici, partout « s’ils se taisent les pierres crieront ».

 

 

 

Même les pierres crieraient la Parole

 

Incontestablement le Fils de Dieu ne manquera jamais de témoins, la vérité ne manquera jamais de confesseurs et la Parole de souffleurs… Et s’il n’y avait plus de bouches humaines pour la proclamer, alors les pierres, elles, la crieraient. Malgré les mépris ou les anathèmes des savants, malgré les éclats de rire des moqueurs, malgré les violences des persécuteurs, le souffle du Seigneur, du Maître, du Christ ne cessera point. Ce que l’Évangile déclare, c’est que si l’humanité pouvait pousser l’ingratitude et l’endurcissement jusqu’à refuser ses hommages au Christ, la nature inanimée le confesserait à sa place. L’Évangile en appelle du silence possible des hommes au témoignage des choses. Chacun de nous se doit d’entendre le sens profond, le sens spirituel de cette parole : quand ceux que le Seigneur notre Père a doté d’une voix, d’une intelligence et d’une parole se dérobent à leur vocation d’être les témoins, c’est le monde inanimé qui se substitue.
C’est peut-être bien une manière d’avertissement pour aujourd’hui au tragique aveuglement de cette génération qui est la nôtre. La question qui nous est posée est de savoir si nous voulons laisser le dernier mot à la parole muette et terrible des pierres calcinées, des bétons effondrés et des ferrailles tordues, telles celles que nous transmettent tous les jours les médias, criant : « Malheur à ceux qui n’ont pas su reconnaître les voies de la paix. » Nous ne pouvons ni ne devons-nous taire ni retenir notre souffle. Nous ne pouvons déserter le combat indécis pour la paix sur la terre. Au nom du Prince de la paix venu pour détrôner les puissances oppressives et combler de biens les affamés, notre mission est de nous engager sans relâche dans la lutte historique pour la justice et la fraternité concrète entre les hommes… Il importe infiniment que nous soyons du nombre de ceux qui, de tout leur souffle, chantent hosanna et non pas de ceux qui se taisent en laissant crier les pierres. « Hosanna ! béni soit Celui qui vient au nom du Seigneur ! »

 

 

 

Lecture du jour : https://www.painquotidien.net

 

Lectures avril 2025

 

Lectures Bible avril 2025

 

 

 

#Bible #Spiritualité

Nos titres

Échanges
Ensemble
N°699 - novembre 2025
Le Cep
Le nouveau messager
N°446 - juin 2020
Le Protestant de l'Ouest
N°740 - novembre 2025
Le Ralliement
N°349 - novembre 2025
Liens protestants
N°209 - novembre 2025
Paroles protestantes Est-Montbéliard
N°500 - novembre 2025
Paroles protestantes Paris
Réveil

Pour aller plus loin

Deux hommes font-ils route ensemble sans s’être d’abord rencontrés ? (Amos 3.3)
Grain de sable
Deux hommes font-ils route ensemble sans s’être d’abord rencontrés ? (Amos 3.3)
Ce verset du livre d’Amos est très souvent employé pour insister sur le besoin de s’entendre avant de prendre la route ensemble. D’autant plus lorsqu’on remarque que le verbe hébreu ya`ad est traduit, dans d’autres versions, par concerté, convenu ou accordé. En effet, il est de bon ton qu’un groupe établisse son itinéraire avant de partir en randonnée… Mais est-ce vraiment là le sens du verset ?
Lectures de la Bible avec Pain quotidien
Bible
Lectures de la Bible avec Pain quotidien
Listes de lecture de la Bible pour octobre et novembre.
Violences dans la Bible : Le viol de Tamar par son frère Amnon
Au fil de la Bible
Violences dans la Bible : Le viol de Tamar par son frère Amnon
13.14 « Mais il ne voulut pas l’écouter ; comme il était plus fort qu’elle, il abusa d’elle ; ainsi il coucha avec elle. » 2 Samuel 13.1-39.
Week-ends théologiques à Pomeyrol : Foi, prière et exaucement
Martigues
Week-ends théologiques à Pomeyrol : Foi, prière et exaucement
Cette année, les week-ends théologiques organisés à la Communauté de Pomeyrol (13) auront pour thème « Foi, prière et exaucement ». Un sujet théologique qui pose beaucoup de questions.
Une Église pour la multitude
Actualité du protestantisme
Une Église pour la multitude
En protestantisme, ni l’Église ni ses ministres ne constituent des intermédiaires obligés entre Dieu et les humains. Dès lors, dépouillée de tout caractère sacré, de toute prétention à maîtriser l’oeuvre de Dieu, l’Église va être comprise de manière nouvelle.
Sagesse 11.23-12.2 : Quand Dieu patiente
Au fil de la Bible
Sagesse 11.23-12.2 : Quand Dieu patiente
« Mais tu as pitié de tous, parce que tu peux tout, tu fermes les yeux sur les péchés des hommes, pour qu’ils se convertissent. Tu aimes en effet tout ce qui existe, et tu n’as de dégoût pour rien de ce que tu as fait ; car si tu avais haï quelque chose, tu ne l’aurais pas formé. »
Paul et Barnabas partent en mission
Enfants
Paul et Barnabas partent en mission
Ce mois-ci, la page Spiritualité Enfant propose des jeux, bricolages et histoires.
Aimer, c’est se faire proche
Mon verset préféré
Aimer, c’est se faire proche
« Lequel de ces trois te semble avoir été le prochain de l’homme attaqué par les brigands ?" Le spécialiste des Écritures répondit : “Celui qui a été bon pour lui. Jésus lui dit alors : “Va et toi aussi, fais de même.” » (Luc 10.36-37)
Rien de nouveau sous le soleil ?
Pasteur du dimanche
Rien de nouveau sous le soleil ?
Ingrid Prat, Pasteure à Montpellier, aborde l’ecclésiaste dans une vidéo de 2 minutes.