Gilles Vidal, histoire contemporaine

Faire de l’histoire dans une Faculté de théologie n’a rien d’évident a priori ! Les étudiants sont plutôt motivés par la découverte de la Bible et de sa vérité dans la vie du chrétien et assez peu par la vérité historique.

D’ailleurs pendant assez longtemps, dans les Facultés protestantes, l’histoire enseignée se résumait à deux périodes : les Pères de l’Église, étudiés dans le prolongement des cours de Nouveau Testament, et la Réforme, naturellement.

 

Gilles Vidal (© DR) 

 

 

Étudier l’histoire en théologie ?

 

De plus, l’enseignement de l’histoire a longtemps souffert, en France particulièrement, du contexte de controverses entre confessions, au moins jusqu’au Concile Vatican II : catholiques et protestants écrivaient chacun, séparément, leur propre « histoire de l’Église ». Le singulier utilisé dans cette appellation indique déjà toute une problématique : l’histoire enseignée était celle de mon Église, seul prisme valable pour appréhender les autres. C’est ainsi que l’on désignait volontiers les autres comme « hérétiques ». Le contenu des études historiques était bien souvent focalisé sur l’institution, son organisation, sa liturgie et ses rites, sa relation aux autorités civiles et politiques.

 

Il faut attendre le dernier tiers du 20e siècle pour passer véritablement d’une histoire de l’Église à l’histoire du christianisme. La différence tient au changement d’objet et de perspective. Ainsi je m’efforce dans mon enseignement de faire découvrir, de façon comparative, une certaine diversité d’Églises et de courants théologiques pour une période qui va de la Révolution française jusqu’à nos jours.

 

 

Dans la neutralité

 

Même si je me concentre sur le protestantisme français, je m’efforce d’établir des points de comparaison avec la situation d’autres confessions en Europe sur une même période. Pour cela, j’essaie de pratiquer un certain « athéisme méthodologique », selon la belle formule d’Hubert Bost, un peu provocatrice dans une Faculté de théologie. C’est-à-dire qu’il ne faut pas compter sur l’historien pour dire qui, parmi les évangéliques, les libéraux ou les chrétiens sociaux du 19e ou du début du 20e siècle a raison. L’histoire, telle que je la pratique, est avant tout descriptive, neutre, ce qui ne m’empêche pas, mais en tant que théologien, d’avoir des convictions ! Je ne les exprimerai pas en cours d’histoire. Ce qui importe est de viser le degré maximal d’objectivité dans nos entreprises, rester modeste en soumettant nos résultats, toujours provisoires, à l’analyse de nos pairs, car l’histoire est toujours une œuvre collective.

 

 

Nouvelles formes de christianisme

 

Je centre mon enseignement sur la connaissance du protestantisme en France et sur les grands événements ou débats qui ont agité les 19e et 20e siècles, cependant j’essaie de ne pas oublier la diversité du christianisme mondial qui touche nos sociétés occidentales. Depuis quelques décennies, de nouvelles formes de christianisme, aux contours dogmatiques parfois très incertains, ont fait leur apparition dans nos cités. Ces phénomènes m’intéressent et je suis heureux de pouvoir ici m’aider des acquis de la sociologie religieuse. Il faut également dire que mes travaux sur l’histoire des missions et l’évolution de la théologie dans le Pacifique Sud m’ont un peu préparé à appréhender cette question missiologique de la mondialisation du christianisme que nous abordons très régulièrement dans les séminaires du Centre Maurice-Leenhardt.

 

Pour moi, ce dialogue entre les disciplines que sont l’histoire, la missiologie (un faisceau de disciplines à elle-seule) et la sociologie religieuse, parce qu’il peut proposer des clés de compréhension nouvelles de nos sociétés est très utile dans une Faculté de théologie, comme dans l’Église.

 

Gilles Vidal occupe depuis 2011 la chaire d’Histoire du christianisme à l’époque contemporaine et missiologie à l’IPT de Montpellier.

#Enseignant à la fac de théologie #Institut Protestant de Théologie #Spiritualité #Théologie

Nos titres

Échanges
Ensemble
N°699 - novembre 2025
Le Cep
Le nouveau messager
N°446 - juin 2020
Le Protestant de l'Ouest
N°740 - novembre 2025
Le Ralliement
N°349 - novembre 2025
Liens protestants
N°209 - novembre 2025
Paroles protestantes Est-Montbéliard
N°500 - novembre 2025
Paroles protestantes Paris
Réveil

Pour aller plus loin

Langues bibliques
Spiritualité
Langues bibliques
Deux langues traversent l’énorme corpus que forme la Bible. Deux langues qui permettent de revenir aux sources du texte. Découvrons ces deux enseignements.
Rodrigo de Sousa, Professeur d’Ancien Testament
Enseignant à la fac de théologie
Rodrigo de Sousa, Professeur d’Ancien Testament
La bibliothèque que forme l’Ancien Testament doit nous conduire à une meilleure compréhension de notre histoire chrétienne, à la croisée de plusieurs influences.
Chrystel Bernat, histoire moderne
Spiritualité
Chrystel Bernat, histoire moderne
J’ai consacré ma thèse de doctorat à la Guerre des Cévennes dont une somme en deux volumes est à paraître en 2024 chez l’éditeur Honoré Champion (dans la collection « Vie des Huguenots »).
Céline Rohmer, Nouveau Testament
Enseignant à la fac de théologie
Céline Rohmer, Nouveau Testament
La théologie chrétienne s’est saisie depuis longtemps d’une tâche exigeante consistant à articuler foi et raison. Paul, le premier, n’a jamais pu dissocier la foi de l’intelligence, ouvrant ainsi la voie à l’expression d’autres vocations théologiques, pour quiconque veut enseigner et transmettre l’Évangile dans un langage raisonné et clair.
Olivier Abel, philosophie et d’éthique
Spiritualité
Olivier Abel, philosophie et d’éthique
Le poste d’enseignant-chercheur en philosophie et éthique qu’Olivier Abel occupe à l’Institut Protestant de Théologie depuis 1984 (30 ans à Paris, 9 ans à Montpellier) a une longue histoire.
Christophe Singer, la théologie pratique
Spiritualité
Christophe Singer, la théologie pratique
Nous poursuivons nos rencontres avec les enseignants de l’Institut protestant de Théologie (IPT) avec Christophe Singer, Professeur de théologie pratique.
Guilhen Antier, la théologie systématique
Spiritualité
Guilhen Antier, la théologie systématique
Dans le cadre de l’IPT (facultés de Montpellier et de Paris), où sont formés non seulement les futurs ministres de l’Église protestante unie de France, mais aussi toute personne qui souhaite bénéficier d’un libre espace de réflexion sur les questions existentielles, religieuses, bibliques, j’ai la responsabilité, à Montpellier où j’exerce, d’enseigner la théologie systématique, et plus particulièrement la discipline qu’on appelle la dogmatique.