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Ce projet, porté depuis cinq ans par la région Ouest de l’Église protestante unie, consiste à aller découvrir comment l’Église Saint-Barnabas, moribonde il y a quelques décennies, a été relevée de ses cendres en s’enracinant dans la prière, en refusant l’entre-soi, et en s’ouvrant sur le quartier pour y témoigner de sa foi dans une effervescence missionnaire renouvelée et dans des formes et des langages adaptés au présent de la société (« fresh expression »). La revitalisation de cette Église locale a trouvé place au sein d’un projet de toute l’Église anglicane d’Angleterre, au point qu’un évêché a été spécialement créé dans la seule perspective d’une revitalisation de toute l’Église jugée indispensable.
Sortir des sentiers battus
Cette réflexion et cet engagement permettent aujourd’hui encore d’oser sortir des sentiers battus, d’expérimenter de nouvelles façons d’être témoins de l’Évangile là où l’Église locale est implantée. Ceci est vécu avec une facilité déconcertante : accepter de dire stop à ce qui ne fonctionne pas ou plus, ouvrir et tester de nouvelles approches, sans que cela soit perçu comme un abandon du passé et de la tradition ; mais aussi ouvrir de nouveaux lieux d’Église là où elle était absente pour y partager l’Évangile : ce sont ainsi plus de 90 Églises anglicanes nouvelles qui ont vu le jour dans le pays en quelques décennies. Pour ce vivre, une double réalité essentielle est à prendre en compte : les Églises locales ne cherchent pas à grandir pour elles-mêmes et en nombre, mais accueillent et forment leurs membres pour les envoyer participer à l’implantation de nouvelles Églises ; ainsi l’Évangile est partagé et croît en tous lieux de façon adaptée au contexte particulier du quartier. Enfin, le travail est le plus souvent porté localement par une équipe formée d’une grande et belle diversité de ministères.

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Se laisser interpeller
C’est à partir de deux versets du livre prophétique de Zacharie : « Ni par puissance, ni par force, mais par l’Esprit du Seigneur » (4.6) et « Dieu ne méprise pas les petits commencements » (4.10), que l’église Saint-Barnabas a ouvert ses portes à des Églises de la région Ouest. Elle leur témoigne de ce qui a permis cette revitalisation, et se laisse interroger par les Églises visiteuses. L’un des risques de cette revitalisation pouvant être l’oubli des racines de l’Église, un triptyque reste toujours d’actualité pour toute l’Église anglicane : « Honorons le passé, conjuguons le présent, osons rêver l’avenir ». Ces liens entre Saint-Barnabas et l’EPUdF ont été facilités par la présence comme pasteur principal d’Andy Buckler qui fut pasteur de l’Église réformée de France, puis responsable de la coordination nationale de l’EPUdF. À l’automne 2024, des membres d’Églises locales de la région Ouest (Laval, Pontivy, Quimper, Saint-Nazaire) et de l’Église du Crestois ont participé à cette visite apprenante.
Ce furent quatre jours fort denses en découvertes, visites et rencontres, mais aussi en réflexions, les représentants des EPUdF étant invités à revisiter les projets de vie de leur Église locale à la lumière de ce qu’ils découvraient à Saint-Barnabas ; ceci, non pas pour faire du « copier-coller », mais pour se laisser déplacer par ce qui y était découvert et réfléchir à ce qui pouvait être questionné, envisagé autrement dans la perspective d’une redynamisation de la vie ecclésiale. À Saint-Barnabas, comme dans toutes les autres églises londoniennes visitées, une réalité fondamentale reste mise en avant : l’accueil, facilité concrètement par un bar sur roulettes garni de boissons et de biscuits qui trône systématiquement au fond de l’Église est parfaitement assuré, au commencement et à la fin de chaque rencontre. Accueillons-nous les uns les autres comme le Christ nous accueille !

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Témoignages
Toutefois, d’autres projets n’ont pas trouvé d’écho positif de la part des étudiants et « sont morts dans l’œuf ». Est-ce grave ? Non : des projets naissent et grandissent, d’autres ne voient pas le jour, d’autres encore s’arrêtent au bout d’un certain temps d’existence ; l’essentiel n’est pas dans les réussites et les échecs, mais dans le fait que l’Église ne cesse d’ouvrir ses portes et d’accueillir au nom de l’Évangile, et que ce dernier continue à se partager.
Après un tel séjour qui a permis de prendre du temps et le recul nécessaire quant à ce qui est vécu à Crest, les six membres de l’Église du Crestois ont animé un culte, le 1er décembre dernier, pour témoigner à la communauté rassemblée, de ce avec quoi chacun était revenu.
Voici quelques bribes de leurs réflexions :
– Anne a rendu grâces pour des personnes rencontrées dans cette église, leur accueil, leur disponibilité et leur accompagnement au long du séjour. Elle a partagé avec certains « la marche de prière » dans le quartier de Kensington : une expérience simple qui consiste, en petit groupe, à parcourir le quartier et ouvrir les yeux sur les personnes qui y résident, prier pour ce quartier et ses habitants, en toute discrétion.
– Anne-Christine a été touchée par la place de la prière au cœur de la vie communautaire : c’est dans la prière qu’est recherchée la volonté de Dieu pour la vie et le témoignage de l’Église. Mais aussi par son humilité : l’Église ne cherche ni à faire du nombre ni à garder pour elle-même ses forces vives, mais envoie chacun en mission selon ses charismes là où besoin est, où l’Évangile n’a pas encore été partagé, où il n’y a pas encore d’église. Enfin, la beauté simple du lieu aide à prier, à méditer, et participe à l’accueil et à l’ouverture sur la cité.
– Catherine s’est arrêtée sur les quatre cultes différents du dimanche, chacun ayant une tonalité différente : un culte traditionnel à 9 h, un culte-familles plus axé sur la louange à 10 h 30, un culte en français à 17 h plus intimiste, et un dernier qui laisse place à la créativité artistique à 19 h. Ces quatre cultes de formes différentes permettent à chacun de recevoir sa nourriture spirituelle selon sa sensibilité. Une parole d’un pasteur de cette Église l’a rejointe : « Si l’on veut témoigner que l’on a un Dieu vivant, il faut aussi que nos temples soient des lieux beaux et vivants. »
– Catherine et Vincent ont été marqués par l’attention portée à l’aménagement de l’église en fonction des cultes et des activités : ces aménagements sont rendus possibles par un mobilier fait de chaises confortables et aisément déplaçables. Tout est conçu pour faciliter et rendre concret l’accueil de tous au nom de l’Évangile qui est au cœur du projet de la vie de l’Église.

Église de témoins
Le conseil presbytéral, à la suite des témoignages et questions des six membres partis à la découverte de l’église Saint-Barnabas, continue de réfléchir à l’accueil qu’elle vit déjà pour l’accentuer, mais aussi sur l’accompagnement qu’elle propose aux personnes franchissant ses portes. Il désire être plus concrètement « église pour les autres » dans le contexte où elle est implantée. Tout cela se concrétise par une réflexion ouverte sur un nouveau projet de vie pour l’Église. La vie de l’Église reste donc sans cesse en chantier ; pour être enchantée ? Non, juste pour être ce que Dieu l’appelle à être : « une Église de témoins », dans le contexte qui est le sien.
            
                    