Chaque exilé avalé par la Méditerranée est l’un de nos enfants en humanité. Les cris de ceux qui périssent sont identiques à ceux qui ont déjà sombré dans le ventre de l’Atlantique aux temps maudits de la traite, inscrits dans la chair d’un continent comme dans chaque mémoire universelle qui a le souci de la justice. Réalisons que tous ces enfants qui viennent mourir aux portes de notre monde sont riches de tous les biens que nous leur prenons et que, trop souvent, nous leur spolions pour mener à bien notre vie quotidienne…

De la nécessité d’une terre d’accueil
Alors, offrir un accueil ou une nécessaire protection, ce n’est pas amener les exilés à ce qu’ils soient sacrifiés, demain, sur l’autel du marché « roi » et d’une économie débridée et sauvage. Cela n’a pas de sens même si, au final, chaque exode individuel représente un triomphe de l’esprit, de l’ingéniosité et du courage humain sur les nombreuses barrières des nantis d’un Nord opulent et apeuré.
Il n’y a, nulle part, de véritable terre d’accueil, ce n’est pas pour autant qu’il n’en faille pas une. Il y a nécessité d’une terre où chacun peut accompagner et favoriser la venue de l’autre, afin de réduire la distance initiale de son étrangeté, dans l’effacement des seuils qui le tiennent éloigné et qui le maintiennent au-dehors. En attendant, c’est bien parce qu’il y a des seuils à réduire ou des frontières à disposer que l’accueil est « conditionné ». Si ces frontières (matérielles, imaginaires, symboliques) disparaissent, alors l’accueil en deviendra tout autant possible qu’inutile. Et, un tel monde, sans seuil nécessaire à l’accueil, ne pourrait plus être dit véritablement humain, donnant ainsi sens au mot d’Aimé Césaire?: « Il y a deux manières de se perdre, par ségrégation murée dans le particulier ou par dilution dans “l’universel” ».
Effroyables et tragiques voyages
Pour autant, seuils et frontières n’ont aucune raison de se traduire en mois d’enfer, de violences et d’humiliations sur les routes de l’exil…
Face à tous ces effroyables « voyages », en mémoire d’Abraham et du chêne de Mamré, il y a exigence à « espérer contre toute espérance » une terre nouvelle où la « vie » de « la multitude des peuples » ne passe pas par l’émigration. Mais par une vie digne et décente, un lieu sans famine ni privation grave, où chacun aura droit à la satisfaction des besoins élémentaires de la vie, à la santé, à l’éducation et bien sûr à la libre circulation.
Face à tous ces tragiques « voyages », en simple fidélité au Christ universel, il y a une implication nécessaire à nous engager avec détermination et volonté, à bâtir, là où nous sommes et tels que nous sommes, un autre monde possible où effectivement, pour chacun des enfants du Plus-que-Haut, « les portes ne se fermeront plus le jour, car il n’y aura plus de nuit » (Apocalypse 21.25).
Triste nouveau record
Les causes des migrations peuvent être très diverses : guerres, motivations économiques, de travail ou familiales…
Notons que l’année 2019 a été marquée par un nouveau record du nombre de personnes déracinées du fait de conflits et de persécutions, selon le Haut-commissariat aux réfugiés. On en dénombre plus de 65 millions, dont 22,5 millions de réfugiés, 40 millions de déplacés (non comptabilisés comme migrants) et 3 millions de demandeurs d’asile en attente de l’examen de leur dossier.
