Mission américaine
Les premiers missionnaires protestants sont américains et arrivent à Beyrouth vers 1840. C’est un élan messianique et millénariste qui les pousse à vouloir convertir juifs et musulmans et à ouvrir les yeux des chrétiens orientaux sur la vraie réalité de l’Évangile, celui prêché par les presbytériens américains. Devant un succès plus que mitigé, ils décident de changer d’orientation et créent des écoles.
En plein Empire ottoman, ils fondent des écoles avec une nouvelle pédagogie et une ouverture scientifique sur le monde de demain. Dans ces écoles, on parle arabe et anglais et non plus turc ou français et surtout on scolarise les filles. Aujourd’hui il existe une trentaine d’écoles protestantes sur le territoire libanais qui accueillent tout le monde, sans regarder à la confession religieuse, dont la prestigieuse université américaine (AUB) qui participe à former l’élite libanaise depuis plus d’un siècle. Parallèlement se sont fondées des paroisses protestantes, souvent accolées aux écoles, mais qui n’ont pas connu un essor important.
Arrivée des Français
Aujourd’hui on compte 50?000 protestants sur une population totale de 5 millions, soit 1 % des Libanais. Les Français sont arrivés plus tardivement. C’est à la faveur de la fin de la Première Guerre mondiale et de la défaite de l’Empire ottoman, allié des Allemands, que le traité de Versailles (1919) a affecté aux protestants français les biens protestants allemands. Sont ainsi nés la paroisse protestante française et le collège protestant français, seul établissement scolaire protestant francophone du Liban. Depuis cent ans l’un et l’autre mènent une vie autonome avec parfois des croisements intéressants.
Exilées et déracinées…
La paroisse d’aujourd’hui ne ressemble en rien à celle du début du Mandat français sur le Liban (1920). Notre Église regroupe une majorité de travailleuses migrantes venues de Madagascar ou d’Afrique francophone, quelques très rares Libanais, quelques Français et Franco-Libanais. C’est une Église d’étrangers ; d’étrangères en terre libanaise. Ce qui nous rassemble c’est la foi en Jésus-Christ et la langue française, celle de nos cultes et de nos activités.
Toutes ces femmes sont des déracinées venues au Liban pour travailler et faire vivre leur famille restée au pays. Certaines sont là depuis des dizaines d’années et ne sont jamais rentrées chez elles. Curieuse histoire que celle de notre paroisse qui était celle des vainqueurs de la guerre et symbole de la prise de possession du Liban par les Français et qui devient, au fil du temps, la paroisse des exilés, des pauvres, des croisements de cultures et des incertitudes qui traversent le pays ; la paroisse d’immigrées aux identités multiples qui ne trouvent pas leur place dans la société libanaise.
Au centre d’enjeux géopolitiques
La paroisse a été témoin de tous les soubresauts de l’histoire libanaise, le dernier en date étant la guerre avec Israël, de septembre à novembre dernier. Dans ces occasions, nous mesurons combien la vie communautaire est importante pour ne pas céder à l’angoisse désespérante d’être un pion dans un jeu géopolitique qui nous dépasse. Nous célébrons le culte tous les dimanches rue de Damas à Beyrouth, cette route au nom symbolique qui fut la ligne de démarcation entre Beyrouth est et ouest au moment de la guerre civile (1975 – 1990) : notre paroisse est à la frontière de plusieurs mondes.

