André Gounelle, une vie au service de la théologie

Voilà plusieurs mois que des amis du Cep et des membres du comité de rédaction demandaient une « rencontre avec » André Gounelle. Avec une grande gentillesse, le théologien a reçu Olivétan Presse et aiguisé son regard sur quelques sujets choisis.
Le 12 mai 1996, lors de la célébration du IVe centenaire 

de la Faculté de théologie protestante de Montpellier

 

Philippe Clément)

 

Il y a des livres que l’on se doit d’avoir en plusieurs exemplaires, un dans sa bibliothèque, les autres prêts à offrir à toute personne de son entourage qui se pose des questions. Les grands principes du protestantisme, d’André Gounelle, est de ceux-là. Et, anecdote amusante, Le Cep n’y est pas pour rien. Les plus anciens d’entre vous se rappellent sûrement le pasteur Benjamin Muller qui en son temps, rédacteur du Cep, a commandé au professeur Gounelle une série d’articles à publier dans les pages du journal régional. Quelques années plus tard, réunis dans un même ouvrage, ils ont donné naissance à ce succès protestant de librairie.

 

Ces écrits ne sont pas nés juste pour Le Cep. Depuis le début de son poste de professeur, André Gounelle avait la volonté d’explorer la pensée protestante, poussé aussi par de jeunes étudiants en théologie nouvellement convertis aux idées de la Réforme.

 

 

Pasteur et professeur

 

On ne présente plus le professeur émérite de l’Institut protestant de théologie de Montpellier. Ses cours, ses publications, ses conférences dans les paroisses et dans des colloques fameux l’ont rendu célèbre dans les communautés protestantes et bien au-delà de nos frontières. Dans cette rencontre, André Gounelle revient sur son parcours et les sujets qu’il a eu plaisir à étudier.

 

Issu d’une famille on ne peut plus protestante, d’une grande lignée de pasteurs, il passe son enfance et son adolescence entre l’Algérie et le Maroc, jusqu’à l’âge de vingt ans. Cette jeunesse et les rencontres qu’il a faites dans ces deux pays le conduisent à une sorte de tiraillement. « Je me sentais appelé au pastorat et le professorat m’attirait, précise André Gounelle, et j’ai cherché à faire conjuguer mes convictions, mes sentiments religieux avec la culture classique et particulièrement la philosophie, ce qui m’a conduit naturellement vers la théologie libérale. »

 

Après des études de philosophie et de théologie, le jeune pasteur commence un parcours classique : aumônier militaire en Algérie, puis pasteur à Dijon et à Nîmes (paroisse de l’Oratoire). En 1970, il est nommé professeur à la Faculté de Montpellier. Une vie de recherche, d’études et de transmission qui ont conduit à son dernier livre publié : Théologie du protestantisme.

 

 

Sa rencontre avec l’Islam

 

Sa jeunesse dans les pays du Maghreb l’a amené à découvrir une spiritualité musulmane très forte. Il s’est intéressé aux spiritualités et religions non chrétiennes à une époque où le dialogue interreligieux n’intéressait pas. Il a beaucoup travaillé le sujet et en particulier participé aux travaux de l’Association internationale pour la liberté religieuse (IARF).

 

Pour le professeur de théologie, «il y a une christologie particulièrement intolérante, pour laquelle hors du Christ tout est à exclure. » Dans le Coran, Jésus a une figure de prophète majeur. Dans certains traités il serait d’ailleurs le plus grand des prophètes. Plutôt une forme d’agrégation que d’exclusion.

 

Ce qui retient l’attention du théoricien du protestantisme, c’est le refus de l’idolâtrie, particulièrement proche de l’iconoclasme protestant. Mais le raffinement de l’art musulman provoque chez lui une réaction plus émotionnelle qu’intellectuelle. L’homme de culture et de foi se sent proche de cet islam pour qui « Dieu seul est Dieu ». De ses dialogues avec des théologiens musulmans, il a tiré de nombreux enrichissements. Restent des points d’achoppement, par exemple la puissance absolue de Dieu, trait majeur de l’Islam.

 

Les sujets qui nous rapprochent peuvent être des bases solides pour un dialogue fécond.

 

 

Une vision de l’Église d’aujourd’hui

 

Le comité de rédaction du Cep a voulu poser au professeur une question sur la situation actuelle de notre Église. Le maître, isolé par son âge, se sent aujourd’hui éloigné de la vie de l’Église protestante unie et dit avoir une vision un peu réduite de l’actualité ecclésiale. Il constate quand même que le protestantisme français a vécu et vit des changements considérables : « Depuis 1957, c’est la même Église et plus vraiment la même. Quand j’étais jeune, raconte André Gounelle, au culte, les trois quarts de l’assemblée étaient des protestants de vieille souche, blancs et connaissant le fonctionnement de leur Église, comme une sorte de tribu où tout le monde connaît ses membres. Aujourd’hui à Montpellier (paroisse qu’il fréquente), ce n’est plus le cas, les vieilles familles sont moins présentes, et en poids et en nombre. Les origines ethniques sont plus variées et on accueille des protestants de fraîche date ».

 

Pour le pasteur retraité, c’est un vrai changement positif, il y a moins d’entre soi et l’esprit clanique tend à disparaître. Mais en contrepartie, il y a une perte de la connaissance et de la culture protestantes. André Gounelle affirme que le protestantisme ne doit pas se laisser coincer dans un passé idéalisé ni avoir peur d’avancer vers un nouvel avenir. Le protestantisme connaît une régression sévère dans les pays de tradition protestante, alors qu’il est en expansion dans l’hémisphère sud.

 

La montée de la responsabilité des non-pasteurs est un changement positif. Adolescent, le jeune protestant qu’il était a fréquenté, comme beaucoup de protestants de sa génération, les mouvements de jeunesse qui étaient un lieu majeur de transmission. Aujourd’hui, il y a comme un effritement de ces mouvements.

 

Mais ce qui demeure, c’est la prédication, elle reste le cœur de la vie d’Église et c’est ce qui est fondamental pour André Gounelle.

 

Des questions, il y en aurait bien d’autres à poser. En lisant ou relisant les ouvrages d’André Gounelle, nous pouvons suivre le cheminement d’une vie consacrée à la recherche, à la rencontre et à la théologie. Un immense merci à lui d’avoir bien voulu donner un peu de son temps au Cep près de 40 ans après lui avoir donné une série d’articles !

 

http://andregounelle.fr

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