Le premier synode des Églises réformées de France

Une auberge, des convictions, et une Église qui choisit la collégialité : retour sur un évènement fondateur dans l’organisation et l’identité du protestantisme français.
© S.H.P.F
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Du 26 au 29 mai 1559, les passants durent être intrigués par le balais de ces hommes sérieux et graves entrant dans l’auberge de Le Vicomte, rue des marais (actuelle rue Visconti), en plein quartier de St-Germain-des-Prés. Des pasteurs et des anciens, venus de 72 Églises dressées dans toute le royaume se réunissaient à Paris pour former le premier synode des Églises réformées de France.

 

Cette auberge ne fut pas choisie au hasard : ici eut lieu le premier baptême protestant de Paris, quatre ans plus tôt. Elle avait aussi l’avantage de posséder plusieurs issues ! Car le danger était bel et bien présent : en septembre 1557, une assemblée de protestants avait été surprise dans le faubourg St-Jacques faisant 130 prisonniers après une longue bagarre.

 

Calvin n’était pas non plus très rassuré de savoir qu’un tel synode se tenait. Il ne goûtait guère à l’idée que les nobles protestants aient ainsi un moyen de contestation devant le roi en lui présentant une Église constituée et une déclaration de foi française. Quant à cette dernière, le réformateur ne comprenait pas que ses écrits et les confessions précédentes ne suffisent pas aux Français.

 

Des bases solides furent cependant posées. Sous la présidence du pasteur François de Morel, ayant passé deux ans à Genève, les premiers synodaux de l’histoire nous léguèrent deux choses :

 

  • une déclaration de foi qui affirme la doctrine réformée. Ratifiée en 1571 par le synode de La Rochelle, elle en garde le nom. Largement diffusée, notamment dans les Psautiers, ce n’est qu’en 1938 avec l’union des réformés, qu’elle fut remplacée par un texte plus contemporain.
  • une discipline ecclésiastique dont les fondements demeurent encore aujourd’hui.

 

La Discipline adoptée jette les bases de notre organisation presbytéro-synodale : aucune Église locale ne peut prétendre à une primauté sur les autres mais elles se comprennent toutes dans un régime de synodes provinciaux et national et d’assemblées de colloques. Ces synodes sont composés d’autant de pasteurs que d’anciens qui ont voix égales et qui constituent le gouvernement de l’Église. Les pasteurs sont élus par le Consistoire, collège d’anciens qui est l’équivalent de notre conseil presbytéral. Toute hiérarchie ecclésiale est ainsi écartée. L’Église est d’abord l’assemblée des croyants qui sont au bénéfice de l’enseignement du pasteur et de l’encadrement des anciens.

 

Ce modèle ne promeut pas une démocratie directe, mais un système de délégations, de collégialité et de soumission mutuelle. Il s’inspire de l’organisation politique de la République de Genève. A partir de son retour dans la cité alpine en 1541, Calvin met en place un Conseil où les décisions collégiales prennent la suite du gouvernement traditionnel de l’évêque chassé en 1533. Il est adjoint d’un Consistoire composé de pasteurs et de laïcs qui réforment les mœurs de la ville.

 

Ce régime presbytéro-synodal n’est donc pas tout à fait une démocratie car ce n’est pas directement l’assemblée qui décide, mais elle confie la direction à un collège. Théodore de Bèze dut tenir cette position dès 1572 contre ceux qui voulaient amenuiser le pouvoir de décision des consistoires. Quant à Antoine Court, en plein Désert, il convoqua en 1715 un synode clandestin pour réaffirmer cette organisation et lutter contre le désordre provoqué par l’absence des pasteurs et des anciens. Grâce à cette organisation synodale, les Églises clandestines purent retrouver un cadre propice à la résistance pacifique.

 

Les protestants français, attachés à l’idée de la République, se forgèrent ainsi, par leur théologie et leur histoire, une certaine idée de la démocratie…

 

Sources :

 

 

 

 

 

 

 

#Auteurs région parisienne #Culture #Histoire

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