Entre réalité et ressentis, qu’est-ce qui fait violence aujourd’hui ?

Avant d’évoquer ce qui peut être proposé face aux multiples violences du monde, il faut en nommer quelques manifestations qui se développent ou semblent se développer dans nos sociétés.

S’il paraît nécessaire de désigner ce qui nous fait violence, c’est que nous ressentons tous et toutes un malaise, qui s’exprime de plus en plus explicitement. Les plus avancés en âge souffrent peut-être plus fortement de la violence du monde – ou bien s’en protègent. Quant aux plus jeunes, ils sont sommés de « faire avec » et de trouver des solutions. Pourtant, leur angoisse se dit aussi. Rien de nouveau sous le soleil ?

 

La violence est légion, depuis longtemps, mais elle s’avance avec de nouveaux visages : guerres et conflits, avec des cruautés qu’on croyait révolues et des destins de populations de plus en plus imbriqués ; menaces sur les conditions de la vie même de l’humanité ; contagion de groupes ou « communautés » diffusant des propos radicalement haineux…

 

 

La haine

 

La propagation de la haine sur Internet, justement, fait l’objet de bien des débats. On partage aussi beaucoup de mièvrerie, sur le Web ! Deux choses qui font pendant, me semble-t-il. Avant, ceux qui « avaient la haine », c’étaient les plus « exclus » de notre société. Or on dirait qu’aujourd’hui tout le monde a la haine : tout un chacun se décharge de la pression de l’existence en exprimant mépris et détestation, sans filtre et sous n’importe quel prétexte. Serions-nous devenus une société de haine ? Aurions-nous troqué nos colères, parfois légitimes, contre la haine ?

 

Le constat serait affligeant. Ou alors… ou alors tout cela est en partie faux ! Cette violence verbale en ligne, protubérance affreuse, pourrait ne pas correspondre, ou pas entièrement, à un sentiment réel. D’autre part, un effet loupe sur une partie très mobilisée de nos concitoyens parviendrait à faire croire à une sorte de haine globalisée et globalisante. Comme un leurre.

 

 

Les tragédies de la planète

 

Si on laisse Internet de côté un instant, reconnaissons que des violences qui s’exercent dans la vie quotidienne ont de quoi générer des sentiments d’insécurité, de frustration, d’incompréhension, d’humiliation. L’absence de vis-à-vis et les incohérences dans les démarches administratives, la difficulté à trouver des services vitaux dans certaines parties de notre territoire… Un monde politique dont les mandats ne sont plus clairs pour nos concitoyens. La multiplication des sources d’information, avec la question de leur fiabilité – et jusqu’à l’opposition de « faits » réels et inventés.

 

Les violences policières, celles de groupes d’ultra-droite ou d’ultra-gauche, celles encore des réseaux mafieux… La révélation sans fin de ces actes de violences sexistes et sexuelles qui colorent tristement notre vie sociale… Chaque individu reçoit en plein visage les tragédies de toute la planète, tous les jours, et en ressent de l’impuissance.

 

Il est impossible de tout lister ! Alors, dans ce contexte déprimant, il faut absolument relever l’existence de phénomènes contraires : oui, le courage, l’empathie, la spontanéité existent dans le corps social ! Et heureusement, on partage aussi en ligne de vraies solidarités, des initiatives ou des convictions qui font du bien, qui sauvent même.

 

 

© DR

Douceur évangélique ?

 

L’histoire du protestantisme français est marquée par la persécution – traumatisme surmonté, transformé ? Ses héritiers sont-ils pour autant incapables d’exercer la violence ? Non, sans doute. Le comportement de certains membres de nos communautés montre que le caractère peu hiérarchique de notre Église n’empêche pas les dérives, celles d’individus qui se croient « tout-puissants ». La douceur n’est pas dans l’ADN du protestantisme, on le voit aussi dans l’actualité d’Églises protestantes majoritaires ou d’État – des Églises/sociétés à l’origine de grandes violences, vis-à-vis des peuples premiers notamment.

 

Pourtant… combien elles sont prêchées, les Béatitudes, la culture de la non-violence ou l’exigence évangélique de démonter les entreprises humaines néfastes tout en respectant chaque personne ! Si les Églises n’ont pas de leçon à donner, elles se savent désormais imparfaites et tentent, plus que jamais, de travailler sur les violences et sur leur propre violence.

 

 

 

 

 

#Dossier : agir face aux nouvelles violences #Dossiers

Nos titres

Échanges
Ensemble
N°699 - novembre 2025
Le Cep
Le nouveau messager
N°446 - juin 2020
Le Protestant de l'Ouest
N°740 - novembre 2025
Le Ralliement
N°349 - novembre 2025
Liens protestants
N°209 - novembre 2025
Paroles protestantes Est-Montbéliard
N°500 - novembre 2025
Paroles protestantes Paris
Réveil

Pour aller plus loin

Violence dans l’église : Nommer, comprendre, éclairer, un état des lieux nécessaire
Violences sexuelles et sexistes : où en sont les protestants ?
Violence dans l’église : Nommer, comprendre, éclairer, un état des lieux nécessaire
Depuis quelques années, plusieurs affaires douloureuses ont secoué le protestantisme français et mis en lumière la difficulté de nos Églises à affronter la réalité des violences sexuelles et sexistes. Dans la continuité des rapports qui ont marqué la société et nos propres institutions, il est devenu indispensable de poser un regard lucide et pédagogique.
Écouter et réparer : La commission reconnaissance et réparation
Violences sexuelles et sexistes : où en sont les protestants ?
Écouter et réparer : La commission reconnaissance et réparation
La Commission Reconnaissance et Réparation (CRR) a été fondée en novembre 2021 à l’initiative de la Conférence des religieux et religieuses de France (Corref) de l’Église catholique. Son rôle est de reconnaître, en toute indépendance, les violences sexuelles commises par des religieux et de proposer des formes de réparation pour les victimes. Elle est présidée par Antoine Garapon, magistrat honoraire et ancien juge des enfants.
Édith Tartar-Goddet : Prévenir les abus, un travail de fond pour l’Église
Violences sexuelles et sexistes : où en sont les protestants ?
Édith Tartar-Goddet : Prévenir les abus, un travail de fond pour l’Église
Édith Tartar-Goddet a publié en 2020 un ouvrage sur la toute-puissance humaine et les abus de pouvoir dans les Églises. Elle attire l’attention sur la banalisation de certaines violences. Pour les victimes, c’est alors la double peine : à la souffrance succèdent l’indifférence et l’isolement.
Deux ans d’existence de la cellule VSS des EEUDF : l’heure du bilan
Violences sexuelles et sexistes : où en sont les protestants ?
Deux ans d’existence de la cellule VSS des EEUDF : l’heure du bilan
En octobre 2022, le conseil d’administration des Éclaireuses et Éclaireurs Unionistes de France (EEUdF) a adopté un texte concernant les violences sexistes et sexuelles (VSS). Par ce texte, l’association s’engage notamment à agir concrètement pour éduquer à des relations humaines harmonieuses et à l’égalité des genres, et pour lutter contre les VSS.
EPUdF : des outils pour lutter contre les violences
Violences sexuelles et sexistes : où en sont les protestants ?
EPUdF : des outils pour lutter contre les violences
Depuis quelques années l’Église protestante unie de France travaille la question des violences en Église.
Animal, on est mal
Dossiers
Animal, on est mal
Le droit français ne reconnaît les animaux comme « des êtres vivants doués de sensibilité » que depuis un an. Cela ne suffira pas pour que leur soient épargnées les souffrances, d’autant plus intolérables qu’elles sont évitables, infligées par l’élevage intensif, les conditions d’abattage et la recherche scientifique…
L’espérance malgré tout
Haïti, la rançon de l'indépendance
L’espérance malgré tout
Quand on regarde le niveau de misère auquel le peuple haïtien est soumis depuis des décennies, on comprend difficilement qu’en Haïti le taux de suicide ne soit pas de loin plus élevé que celui des autres pays des Caraïbes. C’est pourtant dans ce contexte qu’on trouve des hommes et des femmes de foi qui décident de continuer d’oeuvrer malgré la mauvaise foi de ceux qui installent, nourrissent et maintiennent la destruction de la vie en Haïti.
Agir pour tous les enfants
Haïti, la rançon de l'indépendance
Agir pour tous les enfants
Depuis 1986, la Fédération des écoles protestantes d’Haïti (FEPH) s’est fixé pour objectif de garantir une éducation de qualité accessible à tous les enfants. Alors que les gangs armés n’hésitent pas à enrôler des enfants, elle est plus que jamais indispensable à la jeunesse haïtienne.
Le prix de l’indépendance
Dossiers
Le prix de l’indépendance
200 ans après l’indépendance, le remboursement de la dette d’Haïti à la France est toujours au centre des discussions. Mais de quoi s’agit-il vraiment ?