Clément Joseph, Pasteur, secrétaire général de la plate-forme Religions pour la Paix Haïti et de la Mission sociale des Églises haïtiennes
Depuis le tremblement de terre du 12 janvier 2010, le pays va de mal en pis. Il a fallu attendre l’année 2018 avec le mouvement de violences aveugles orchestré par un groupe d’activistes politico-financiers pour comprendre que le pire était à venir. Aujourd’hui, le peuple vit sous une pluie d’iniquités politiques et sociales sans précédent dans son histoire.
Le soin malgré tout
Ce n’est pas simple d’identifier et de comprendre cette énergie qui galvanise les acteurs d’organisations chrétiennes qui accompagnent les plus vulnérables. Les centres hospitaliers, les ambulances et les lieux religieux ne bénéficient d’aucune considération liée à leur nature d’institutions au service de tous. Pourtant ils sont nombreux, médecins, infirmières, ambulanciers bravant des zones rouges pour secourir des malades, des vieillards, des femmes enceintes et des enfants en péril. Certains sont lâchement assassinés. Mais d’autres prennent la relève et continuent de dispenser leurs services en dépit du danger auquel ils sont exposés.
La foi malgré tout
Beaucoup d’églises et d’écoles protestantes sont incendiées, pillées et des pasteurs sont assassinés. Mais si les lieux de culte sont profanés, la foi des chrétiens reste forte. À l’église baptiste de Bongar, localité située dans la commune de Kenskoff, près de Pétion Ville, des sœurs ont été massacrées par des hommes lourdement armés. Le bâtiment est jusqu’à présent utilisé comme base pour faciliter les interventions des bandes armées. Malgré cet événement, l’Église ne se laisse pas sombrer dans le désespoir. Son pasteur titulaire identifie les lieux de refuge de ses fidèles qui prient entre eux et trouve les moyens qui lui permettent de leur assurer un enseignement biblique.
© Clément Joseph
Un petit reste
Dans toutes les strates de la société haïtienne il y a une faible proportion qui refuse de maintenir le peuple haïtien dans cette misère et cette crasse indescriptibles. Ceux qui veulent continuer ce projet macabre sont très puissants parce qu’ils sont solidement connectés entre eux et sont subtilement et hypocritement soutenus par des secteurs mafieux internationaux. Les piliers qui les supportent sont caractérisés par l’injustice et la corruption. Il suffit qu’un jour des ponts solides soient jetés entre ceux qui le refusent dans chaque secteur pour qu’apparaisse et brille une lumière d’intégrité et de justice capable de chasser les ténèbres du clanisme social, politique, économique et religieux qui constituent le terreau favorable à l’isolement et à l’emprisonnement de tout un peuple. Ce peuple n’est pas isolé à cause de sa culture, mais à cause de son emprisonnement par un petit groupe de geôliers politiques et financiers qui recolonise Haïti et replace son peuple sous le joug de l’esclavage.
Opportunités ouvrant l’horizon
Cette crise dégage des opportunités ; en voici trois :
– les violences à l’égard des églises éveillent les chrétiens afin qu’ils s’engagent pour le pays que Dieu leur donne ;
– le déclin de la République de Port-au-Prince permet d’ouvrir les yeux sur le reste du pays ;
– l’obsolescence partielle de la constitution de 1987 ouvre l’espoir d’une nouvelle constitution permettant des investissements directs d’étrangers et à l’implication des Haïtiens vivant à l’étranger.
J’invite les femmes et les hommes de foi d’Haïti et de partout à prier, à plaider et à agir en faveur d’une sortie Égypte pour ce peuple.
