Deux châteaux, mais un homme oublié
Son château domine toujours le magnifique village perché, situé dans le massif des Baronnies aux confins de la Drôme et du Vaucluse près du Mont Ventoux et du Plateau d’Albion, mais ce dernier est désormais davantage connu pour sa station thermale. Son autre château, celui de La Gabelle à Ferrassières, fait l’objet d’une restauration dans le cadre de la mission patrimoine de Stéphane Bern. Pourtant, seuls les spécialistes des guerres de Religion et les passionnés d’histoire locale peuvent encore évoquer le parcours de celui qui fut surnommé après sa mort « le brave Montbrun ». Un cantique a même été composé en son honneur immédiatement après son exécution et nous pouvons imaginer qu’il a été chanté dans les temples du Dauphiné, alors déchiré par les guerres de Religion (1562-1598).
Le village perchéd e Montbrun-les-Bains
Un guerrier de Dieu du XVIe siècle
Montbrun est en effet l’une des figures majeures de la Réforme protestante et des guerres de Religion. Ce petit noble a appris le métier des armes lors des dernières guerres d’Italie qui opposaient le roi Henri II à l’empereur Charles Quint, puis à son fils Philippe II d’Espagne. Il s’est converti au calvinisme après le traité du Cateau-Cambrésis (1559), faisant de ses seigneuries les premiers territoires de la Réforme dans le Dauphiné, après le Val Cluson, une vallée située aujourd’hui en Italie et peuplée de vaudois.
Il a mis ensuite son épée au service du protestantisme et a été de tous les combats, de 1560 jusqu’à sa mort en 1575. Il a participé au triomphe éphémère de la Réforme dans le Dauphiné et ses alentours au début de la première guerre de Religion en 1562, sous le commandement du baron des Adrets. Après la trahison et l’arrestation de ce dernier en 1563, il est devenu le véritable chef des huguenots dauphinois et il les a dirigés lors des trois conflits suivants (1567, 1568-1570 et à partir de 1573 aux lendemains de la Saint-Barthélemy).
L’époque était à la violence extrême. « Guerriers de Dieu », les hommes de Montbrun ont multiplié les massacres (notamment à Mornas alors dans le Comtat) et les attaques iconoclastes contre les églises lors d’innombrables sièges et batailles, dont la chronologie est complexe. Son courage au combat et son abnégation pour la Réforme ont également marqué les esprits. Son château de Montbrun a été démantelé en 1560 et il a dû s’exiler hors du royaume quelques mois, mais est resté fidèle au parti huguenot et n’a pas cherché à s’enrichir à l’occasion des conflits. Sa condamnation à mort par le parlement de Grenoble en 1575 après son arrestation lors d’une bataille perdue contre les armées catholiques du baron de Gordes a choqué nombre de ses coreligionnaires.
La genèse du projet Montbrun
L’initiateur du projet Montbrun est Christophe Vyt, enseignant dans un lycée de l’Ain et à l’Université Lyon 3, qui conduit une thèse à l’Université Grenoble-Alpes sous la direction de Stéphane Gal, thèse consacrée aux territoires de la Réforme protestante dans le Dauphiné au XVIe siècle. Dans ce cadre, il a participé à deux colloques à Grenoble et à Gap en 2017 lors de « L’année Lesdiguières ». L’idée de créer de la même manière de multiples événements autour de la figure de Montbrun est née à la suite d’une conférence consacrée à une approche comparée du baron des Adrets, de Montbrun et de Lesdiguières, donnée à Montbrun en juin 2023, puis au musée du protestantisme dauphinois au Poët-Laval le 24 août. La rencontre de Roland Cantin, comédien amateur, qui a créé un conte poétique et musical consacré à Montbrun, fut également déterminante. L’intérêt du grand public lors de ces manifestations et le souvenir d’une discussion avec Pierre-Jean Souriac, professeur à Lyon 3, qui affirme que la figure de Montbrun mériterait une nouvelle étude, ont fait naître le projet.
De multiples événements en 2025 dont un colloque international
Le premier événement a eu lieu le 25 avril 2025 à La Charce, où Jean-Claude Daumas a donné une conférence sur le siège de la Motte-Chalancon ; une autre sera prononcée par Christophe Vyt le 24 août au musée du Poët-Laval. Le moment phare du projet sera le week-end des 20 et 21 septembre à l’occasion des Journées européennes du Patrimoine, avec un colloque historique international destiné au grand public réunissant à la fois des chercheurs universitaires et des chercheurs locaux, le spectacle de Roland Cantin accompagné du Quatuor Girard et une randonnée mémorielle.
L’aventure du projet Montbrun n’aurait pas pu aboutir sans le soutien des collectivités locales et sans surtout l’action de Jacques Peyronel qui est membre de plusieurs associations dynamiques de la Drôme : Histoire et culture huguenotes en Baronnies provençales, Sur les Pas des Huguenots et des Vaudois et le Musée du Protestantisme Dauphinois, qui est présidé par le pasteur Bernard Croissant.
