Conversion écologique de l’économie : utopie ou nécessité ?

Dans un monde où les ressources se raréfient et où les conséquences de nos actions se font de plus en plus palpables, il est impératif de réévaluer nos priorités et nos modes de fonctionnement.

Devant l’accélération des dérèglements, force est de constater que la transition écologique ne peut se limiter à des ajustements pratiques, mais nécessite une véritable conversion de nos êtres.

 

 

Conversion d’âme autant que nécessité de survie

 

Les défis environnementaux interpellent notre relation avec Dieu et sa création. Persister dans des modes de vie destructeurs met non seulement en danger notre habitat commun, mais aussi notre intégrité spirituelle. Ignorer nos responsabilités envers la Création risque de nous éloigner de Dieu. Ainsi, cette conversion devient une question d’âme autant que de survie, nous appelant à changer nos attitudes autant que nos comportements pour vivre en harmonie avec la Création et honorer notre lien sacré avec Dieu.

 

« Nul ne peut servir deux maîtres : ou bien il haïra l’un et aimera l’autre, ou bien il s’attachera à l’un et méprisera l’autre. Vous ne pouvez servir Dieu et l’Argent(1). » Ce dilemme moral fondamental entre servir l’argent et servir le bien commun est au cœur du débat sur la conversion écologique de l’économie. Sommes-nous prêts à sacrifier notre planète au nom du profit ? Sommes-nous prêts à tourner le dos à Dieu au nom de l’argent ?

 

« Insensé, cette nuit même on te redemande ta vie, et ce que tu as préparé, qui donc l’aura(2) ? » Cette réponse de Dieu à l’homme riche qui voulait toujours plus accumuler de biens résonne comme un avertissement saisissant.

 

 

Utopie ou nécessité de changement ?

 

Ces mots de Jésus révèlent l’absurdité de la course effrénée vers la richesse matérielle, qui a élevé l’argent au rang de divinité. Dans ce système économique où la finance règne en maître, les individus sacrifient souvent leur bien-être spirituel et moral pour satisfaire une quête insatiable de profits. Au lieu de chercher un bonheur éphémère dans la richesse matérielle, Jésus nous invite à une conversion libératrice en nous tournant vers des valeurs plus profondes et durables, qui enrichissent non seulement nos vies mais aussi celles des autres et remplissent de joie notre Père.

 

Utopie ou nécessité ? Cela dépend de nous, de nos choix et de nos actions. Le temps est venu de faire preuve de courage et de vision, de nous unir pour forger un avenir où l’homme et la nature coexistent en harmonie.

 

 

Sortir de l’idée de croissance infinie

 

Cette vision relève-t-elle d’une « construction imaginaire et rigoureuse d’une société, qui constitue, par rapport à celui qui la réalise, un idéal(3) » ? Non ! et nous connaissons déjà les solutions.

 

Sobriété, frugalité, décroissance, économie circulaire sont des variations sémantiques liées par la même idée qu’une société ne peut puiser indéfiniment dans des ressources finies et ne peut rejeter indéfiniment dans un espace fini. Les différentes mises en œuvre de ce concept sont toutes plus ou moins fondées sur le principe des 3R(4) :

 

  • réduire : refuser, réduire, repenser, reconcevoir, chasser les gaspillages, coopérer, partager ;
  • réutiliser: réemployer, reconditionner, réparer, réutiliser ;
  • recycler : recycler, composter, valoriser.

 

 

Une société sobre serait donc une communauté humaine dans laquelle chaque individu, chaque organisation fait le choix d’appliquer ce principe à chaque décision.

 

Ainsi l’enjeu du citoyen sobre est de sortir de la spirale d’hyperconsommation générée par la mésalliance du libéralisme et du productivisme fondée sur une croissance infinie qui s’est emballée et est en train d’entraîner notre monde à sa perte. Cet emballement pousse les entreprises à créer en quantité des produits inutiles dont les publicités persuadent les consommateurs de l’impérieuse nécessité de les posséder.

 

 

Une économie sobre, du service rendu

 

Il est pourtant possible d’envisager une économie sobre fondée sur les besoins essentiels et le service rendu et non pas la quantité et le profit. Les entreprises sobres doivent donc :

 

  • concevoir des produits robustes et réparables dont l’usage sera le plus long possible tout en consommant le moins de matière extraite de la nature et dont l’usage nécessite le minimum de ressources (énergie, eau…) ;
  • favoriser le réemploi d’objet, de sous-ensembles, de matière ;
  • baisser ses consommations d’énergie, d’eau et de toute matière première ainsi que ses émissions de gaz à effet de serre ;
  • réduire au maximum sa chaîne logistique et les déplacements de ses collaborateurs et favoriser le vélo et le train ;
  • communiquer sobrement et éthiquement, en se concentrant sur la satisfaction des besoins réels ;
  • ne pas chercher la compétition mais la coopération avec les acteurs de sa chaîne de valeur, de sa filière, de son territoire et partager autant que possible ses compétences, ses moyens ;
  • investir uniquement dans des solutions à impact positif.

 

 

L’entreprise sobre est possible

 

Mais une entreprise sobre, ce sont aussi des dirigeants et actionnaires qui ne visent pas l’enrichissement à outrance, qui mettent en place des pratiques de partage de la valeur, qui partagent les responsabilités mais aussi indissociablement le pouvoir et le capital ; c’est une organisation qui place l’humain et le bien commun au cœur de sa raison d’être et de sa stratégie.

 

Cette entreprise n’est pas une utopie, c’est notamment la description du résultat de la transformation intégrale, engagée depuis 20 ans, de mon groupe d’entreprises : Ana Bell Group(5). Cette conversion est aussi le choix d’Yvon Chouinard, fondateur de Patagonia, connue pour la durabilité et la réparabilité de ses vêtements de montagne, créateur du Mouvement du 1 % pour la planète, qui a transformé son entreprise en fondation pour lutter contre la dégradation de l’environnement. C’est aussi le cas de Sophie Robert-Velut, DG de Mustela, qui renonce à 20 % de son chiffre d’affaires en décidant l’arrêt des lingettes, ou de Sylvain Breuzart, P.-DG de Norsys, qui invente un modèle d’organisation d’entreprise fondé sur la permaculture.

 

La conversion est un choix de sens

 

Irréalistes, inconscients, subversifs ? C’est ainsi que nous pourrions être qualifiés, nous, chefs d’entreprise de toutes tailles ayant fait le choix de la conversion. En effet, il est vital pour une entreprise de générer du profit. Le moindre écart peut entraîner une chute de valeur en bourse, privant ainsi des capitaux nécessaires pour investir. Si nous faisons preuve de responsabilité environnementale en augmentant nos coûts de production, nous risquons d’être évincés par la concurrence étrangère qui propose des prix plus compétitifs.

 

Pourtant, nous constatons que les entreprises qui font le choix de la conversion sont résilientes, elles font preuve d’agilité car elles ont su anticiper les mutations que d’autres affrontent de plein fouet. Elles savent que l’argent est un mauvais maître mais un bon outil. Dans ce monde dominé par la finance, c’est aussi par l’argent que nous accomplirons cette conversion. Cette réflexion s’adresse à chacun d’entre nous car cela reste une question de choix : où plaçons-nous nos économies ? Connaissons-nous la finalité de nos investissements ? Privilégions-nous la rentabilité ou le sens ? Mammon ou Dieu ?

 

 

Luc Bellière est président fondateur d’Ana Bell Group, de PERSEE3C (Pour l’engagement et la responsabilité sociétale des entreprises, l’économie circulaire, coopérative, collaborative) et de CI&EL – PTCE Gâtinais montargois (Pôle territorial de coopération économique, circularité, inclusion et économie locales).

 

 

  • Matthieu 6.24 (TOB).
  • Luc 12.20 (TOB).
  • Définition d’« utopie » (Larousse).
  • Même si certains mouvements ont tendance à multiplier les R, comme par exemple les 5R du zéro déchet, je reste persuadé que tous sont inclus dans les trois R fondamentaux.
  • anabellgroup.com

 

 

 

 

 

 

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