Tout d’abord, ce 3e festival s’est-il bien passé ?
Oui, malgré des défections dues au Covid et la difficulté de la date. On a été très heureux de se retrouver, de pouvoir exprimer nos formes artistiques, d’être bien reçus dans une paroisse convaincue qu’il faut diffuser une culture de ce type. Et il faisait beau…
Quelle intuition y a-t-il eu à l’origine de ce travail de sensibilisation et de partage que vous avez entrepris autour de la « poésie de la foi » ?
Je trouvais que les milieux luthéro-réformés offraient peu de possibilités pour faire s’exprimer les auteurs, les poètes, de façon à forger une culture d’aujourd’hui qui puisse être diffusée, même à l’extérieur de l’Église. J’ai sondé le milieu protestant et mon intuition s’est confirmée. Or une culture proprement littéraire, c’est un canal qui nous permet de faire rayonner la foi, y compris à l’extérieur de nos cercles. La foi, même si on ne la transmet pas, on peut en donner l’intuition, aiguillonner l’intérêt pour elle.

Des étudiants de Jacqueline Assaël (2e à partir de la dr.) lui expliquent ce qu’ils ont
retenu de sa « transmission poétique »… (© DR)
La poésie décloisonne ?
Je le pense, car c’est une expression intuitive, tâtonnante, mais qui manifeste une recherche et cet effort de recherche rejoint ceux qui sont à l’extérieur des Églises. Ils peuvent ainsi partager une parole qui n’est pas doctrinale, mais personnelle, et qui parle à d’autres consciences en recherche.
La poésie permet de faire rayonner ce que notre foi a de spécifique. Les pionniers de la Réforme se sont exprimés à 2 niveaux : la théologie, bien sûr, mais Calvin a tout de suite fait appel à des poètes comme Théodore de Bèze ou Marot. La poésie protestante réformée s’est très vite installée dans la société et elle a pu se diffuser dans des milieux hors Église.
Au-delà de l’histoire, y a-t-il aujourd’hui une couleur poétique réformée ?
Dans le protestantisme, la culture biblique sous-tend la création, mais les auteurs formulent une poésie qui a complètement assimilé cette culture pour en faire l’expression d’une expérience personnelle. On perçoit leur foi, mais elle n’est pas exprimée explicitement. Ce n’est pas une réécriture, c’est une recréation. Si je compare avec d’autres auteurs chrétiens, les protestants manifestent peut-être une forme de liberté plus grande par rapport à la culture héritée, une expression plus personnelle qui révèle l’essence de leur foi.
Ces festivals, conférences, partages variés… rencontrent-ils un besoin dans le « public » protestant ?
Oui, je crois. Je sillonne la région, je suis invitée à différents endroits, la formule du festival a été dupliquée à Brest, à Strasbourg etc. Les responsables d’Église se rendent compte de l’intérêt que cela représente. Car ce sont des temps forts, des activités culturelles qui nourrissent une vie d’Église. Une proportion non négligeable de membres des Églises a besoin de cette dimension culturelle. Il ne faut pas l’en priver. Ces poèmes donnent de la joie, on peut le constater. Sur 4 jours non stop d’un programme dense, on pensait que les gens picoreraient, s’absenteraient… mais pas du tout, ils sont restés, l’immersion dans la poésie les a pris !
