L’enseignement d’une partie de pêche (Jean 21,1-12)

Après trois ans de compagnonnage avec Jésus, l’aventure s’est soldée par un échec : il a été condamné à mort, cloué au pilori, et tous les disciples ont fui devant l’adversité. Toutefois, après la Pâque, le Ressuscité est apparu à plusieurs d’entre eux.  

 

 

© Isabelle Bouche

Marie de Magdala l’a reconnu sous les traits du jardinier. Puis il s’est montré au milieu d’eux dans la maison où ils étaient enfermés. Enfin Jésus est revenu dans cette maison se montrer à Thomas, appelé le Didyme, absent la première fois et malheureusement incrédule malgré le témoignage de ses frères. Après avoir réaffirmé sa paix, Jésus souffla sur eux pour qu’ils reçoivent l’Esprit saint, leur donna le pouvoir de pardonner et les envoya dans le monde.

 

Mais étonnamment, rien ne se passe ! Les disciples semblent gagnés par l’apathie. Abattus, peut-être déprimés, sous le coup du déchaînement de la violence, ils peinent à retrouver leurs esprits. La seule idée qui leur vient n’a rien avoir avec la mission : c’est d’aller à la pêche. Après une épreuve difficile, peut-être avons-nous aussi connu cet état qui se manifeste plus ou moins vivement ? Une inertie s’abat sur nous, qui nous invite à repasser dans nos mémoires chaque événement et chaque parole. L’émotion est encore bien présente devant l’inexprimable qui nous cloue au sol. Il faut du temps pour se relever et sortir de cette torpeur.

 

Heureusement, la vie reprend le dessus et cette décision de Pierre arrive à point nommé. D’ailleurs, les six autres lui emboîtent le pas. Bizarrement, leurs pas les mènent au lac de Tibériade, en Galilée, là où s’est jouée leur vocation, là où Jésus les a appelés un par un. Souvent ce retour sur nos traces nous permet de redécouvrir le chemin parcouru et de retrouver le fondement de nos engagements. Et à bien des égards, ce passage ressemble à une relecture de leurs vécus.

 

Bis repetita ?
Les disciples sont partis pour pêcher toute la nuit. Et pas de chance : ils ne prennent rien, pas un seul poisson ! Ce n’est pas la première fois. L’histoire se répète si on se souvient des récits de pêches, mais des détails indiquent qu’il y a des changements, et non des moindres. En fait, c’est une troupe hétéroclite qui s’est embarquée dans la barque, qui symboliquement désigne l’Église du Christ. Il y a bien sûr des pêcheurs professionnels, Simon Pierre et les fils de Zébédée, ces derniers connus par les évangiles synoptiques. Et puis, il y a ce Nathanaël de Cana, sûrement un intellectuel. C’est lui que Jésus avait vu lire sous le figuier, alors qu’ils ne s’étaient pas encore rencontrés. Pour lui, la pêche est sûrement une distraction. Et n’oublions pas Thomas, celui qui invitait les autres à partir avec Jésus, pour mourir avec lui (Jean 11.6). Après une longue nuit de labeur, pêcheurs aguerris ou non, les sept s’apprêtent à rentrer bredouilles.

 

Une question de perception
Quand soudain quelqu’un les interpelle du rivage. C’est Jésus, écrit Jean, celui qui rend ce témoignage. Mais, précise-t-il, les disciples ne savaient pas que c’était lui. Se peut-il qu’en passant dans l’autre monde, sur cet autre rivage, Jésus ne soit plus toujours reconnaissable ? Autant pour nous que pour ses disciples de la première heure, les choses ne sont plus du tout simples pour le reconnaître dans nos vies. Malgré tout, avec sa promesse « Je suis avec vous tous les jours jusqu’ à la fin du monde » (Mt 28.20), il est important d’aiguiser notre vision sur les événements et les personnes que nous rencontrons. Qui sait ? Comme Jean, aurons-nous la perception de celui qui nous attend sur le rivage ?

 

Obéissance et persévérance
« Enfants, n’avez-vous rien à manger ? » demande l’homme. Dans notre quotidien, la nourriture est un besoin essentiel pour le corps, mais aussi pour l’âme qu’elle réconforte, surtout quand un ami se joint à notre repas. Mais voilà, les disciples sont contraints de reconnaître leur échec. Ils n’ont rien, rien pour se sustenter. Or, il est difficile de reconnaître ses manques ou l’absence de résultats à un projet. Aujourd’hui, beaucoup ont réfléchi à leurs parcours parsemés d’échecs, mais qui finalement les ont conduits à la réussite. Le passage l’illustre car les pêcheurs sont en général des modèles de persévérance et de ténacité. Ils savent qu’il y a des nuits où le poisson ne mord pas. Malgré une pêche infructueuse, ils repartiront une autre nuit. Et si ce n’est pas là, ce sera ailleurs, l’ailleurs qui leur sera indiqué. Et quand Jésus leur propose : « Jetez vos filets du côté droit de la barque et vous trouverez », courageusement ils obéissent. Et la situation change d’un coup. Des poissons, ils en trouvent, au-delà de leur espérance.

 

153 poissons exactement
Pourquoi 153 ? Le Père de l’Église Jérôme dit qu’il s’agit des 153 poissons connus par les zoologistes grecs. Quant à Augustin d’Hippone, dans son Traité sur l’Évangile de saint Jean, il rappelle les propriétés mathématiques du nombre 153, nombre triangulaire puisqu’il est constitué des chiffres 1, 5 et 3 et qu’il est la somme des cubes de 1, 3 et 5. Le nombre 1 dit l’unique et l’unité, le 3 la trinité du Père, du Fils et de l’Esprit, et le 5 l’harmonie de la Création, et en particulier le calcul du nombre d’or et ses multiples applications. Enfin, 153 est la somme des 17 premiers nombres, de 1 à 17, sachant que 17 est la somme de 10 et 7. Certains affirment que 10 représente la multitude et 7 la totalité. Le nombre 17, c’est aussi 17 peuples listés dans le livre des Actes (Ac 2.1-11), lorsque Pierre prend la parole pour annoncer la résurrection de Jésus à une foule venant de « toutes les nations qui sont sous le ciel » et qui l’entendent dans leurs propres langues. 153, c’est donc le nombre symbolique de l’universalité de l’Église, notre prochain thème synodal.

 

 

Réconfort et confiance
En débarquant , les disciples découvrent que Jésus a déjà préparé le repas. Et pourtant Jésus leur demande d’apporter les poissons qu’ils viennent de prendre. À cet appel, Simon Pierre n’hésite pas un instant. Il repart, monte une nouvelle fois dans la barque, tire à terre à lui seul le filet qui, malgré le nombre de poissons, ne se déchire pas. Alors que ses compagnons peinaient à traîner le filet, lui, comme revêtu d’une force herculéenne, y parvient. Parce que l’Ami se donne à voir, l’appelle, et compte sur lui, la fatigue de la nuit, le découragement devant l’échec, la culpabilité du reniement, tout cela disparaît en un clin d’œil. La confiance reçue lui permet de retrouver en lui ses forces vitales, et bien plus, pour réaliser l’exploit.

 

Ce texte hautement symbolique sur l’Église naissante est source d’enseignements. Il nous redit que nous sommes des serviteurs inutiles, mais appelés à témoigner de la confiance que notre Seigneur ne manque pas de nous donner.

 

 

 

 

 

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