Une liberté paradoxale

Le geste de la Réforme est généralement perçu, à juste titre, comme un moment historique de libération. Cet héritage constitue une belle et exigeante promesse, notamment quand les religions et les sociétés dressent des limites ou des obstacles à la liberté.

De cette réalité précieuse qu’est la liberté, la Bible et les réformateurs proposent une compréhension très spécifique et particulièrement actuelle. 

Pour eux, elle n’est ni une incantation pieuse ni une évidence idéologique, ni une revendication hors-sol. Elle est, pour reprendre les mots de Paul Ricœur, une « liberté incarnée ». Parce qu’elle prend en compte la complexité de l’humain, du monde, de l’histoire et l’éclaire de la Parole de Dieu. Elle se distingue, en particulier aujourd’hui, des dérives individualistes de la liberté, dont le seul horizon est une jouissance consumériste illimitée.

 

 

Libéré par Dieu

 

Pour la Bible, puis pour les réformateurs, la liberté chrétienne est tout autre. Elle n’est pas d’abord une conquête des forces humaines. Elle est un acte d’amour de Dieu qui arrache le sujet, ou le peuple, à ses servitudes. Comme en témoigne déjà le livre de l’Exode.

Mais les Écritures montrent aussi que les croyants sont toujours tentés d’oublier l’initiative libératrice de Dieu pour revenir à leurs travers personnels, sociaux ou religieux. Or, « C’est pour que nous soyons vraiment libres que Christ nous a libérés, écrit l’apôtre Paul. Tenez donc ferme et ne vous laissez pas remettre sous le joug de l’esclavage » (Galates 5.1).

Les réformateurs considéreront, eux aussi, que la liberté est un don de l’amour de Dieu. Une libération, reçue dans la foi au Christ, qui permet à la conscience de résister aux forces d’asservissement.

 

 

Un lien qui libère

 

Ainsi, lorsque Luther se réclame de cette liberté, pour refuser de se soumettre aux exigences des autorités religieuses et politiques de son temps, il ne doit pas y avoir de malentendu. C’est dans sa soumission à la Parole de Dieu que réside la source de sa liberté. Liberté étonnante et paradoxale puisqu’elle pose la foi comme un lien qui libère. Au point d’utiliser, pour le décrire, le langage de la captivité. Ainsi déclare-t-il à la Diète de Worms : « Je suis dominé par les Saintes Écritures que j’ai citées et ma conscience est liée par la Parole de Dieu.» 

C’est en se soumettant à elle que le croyant trouve la force de résister aux conformismes, dogmatismes, conditionnements, endoctrinements, modes… Aujourd’hui économiques, idéologiques, commerciaux, religieux, médiatiques, publicitaires…

 

 

Libéré pour l’autre

 

Toutefois cette liberté ne se réduit pas au seul bénéfice de l’individu. Libéré par un Autre, le croyant est désormais libéré pour les autres. Libéré par l’Évangile des forces du mal, libéré des puissances et des pouvoirs de ce monde, libéré même du souci de soi, le chrétien peut mettre librement sa liberté, au service de son prochain. Luther l’exprime dans un passage célèbre du Traité de la liberté chrétienne : « Le chrétien est l’homme le plus libre ; maître de toutes choses, il n’est assujetti à personne. L’homme chrétien est en toutes choses le plus serviable des serviteurs ; il est assujetti à tous.»  

On voit alors la portée sociétale de cette compréhension de la liberté, même en-dehors de la foi. Car pour faire société, la liberté ne saurait être désarrimée de celle des autres. Dans une société où l’altérité s’est effacée, le protestantisme peut modestement apporter sa contribution pour l’aider à passer de la peur de l’autre à la peur pour l’autre.

#Actualité du protestantisme #Spiritualité #Théologie

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