Exode 32 et le veau d’or : Choisir la démagogie ou l’éthique

Les lectures suivies de l’été ouvrent à la méditation du livre de l’Exode, notamment l’histoire du veau d’or. Entre patience et responsabilité, elle interroge les choix éthiques et les orientations de l’Église d’aujourd’hui.

L’épisode du veau d’or est l’archétype de la rupture de l’Alliance de Dieu par le peuple, alors qu’il était censé attendre le retour de Moïse, parti pour une rencontre dans la montagne. Dans l’esprit de tout un chacun, cette histoire signifie l’impatience et le désir de toute-puissance des humains qui finissent par se créer leurs propres idoles lorsque la réponse de leur Dieu n’est pas immédiate ou favorable.

 

 

Quand le peuple mène la danse

 

Cependant, la rédaction très travaillée du récit appelle à ne pas rester sur cette impression et apporte une touche d’espoir. Certes le peuple s’assemble près d’Aaron, qui a été désigné pour le garder durant l’absence de Moïse, mais il ne décide rien avec lui ; Aaron est simplement informé de la décision collective de se faire des dieux.

 

Ainsi en est-il de toute société : elle s’empare d’un sujet d’actualité, considère son propre avantage et influe sur ses chefs afin qu’ils se transforment en meneurs du projet. Le monde n’a guère changé depuis l’exode.

 

 

La dégradation du pouvoir

 

Le problème vient d’Aaron, qui ne discute pas mais va aller dans le sens du peuple pour le mener dans la construction. Le chef n’est plus le vis-à-vis visionnaire de son peuple, il devient servile. Que ce soit pour une raison de peur, de confort ou d’intérêt personnel, le chef abandonnant la mission qui fait la force de son poste perd sa légitimité.

 

Il dépouille ainsi son peuple de ce qui fait sa puissance. Et cela se traduit par l’ordre donné à la population d’arracher les bijoux pour les fondre. Le peuple sans chef devient alors un peuple sans richesse. En retour, le peuple prend le pouvoir et déclame comme une vérité l’objet de son désir : « Voici les dieux qui t’ont fait sortir d’Égypte. »

 

 

Vers l’inconscience des autres

 

L’actualité montre combien le peuple, désireux de faire avancer telle ou telle cause, prend rarement en compte la complexité des réalités mais se focalise sur un point unique de la situation, lui octroyant le statut de but ultime, d’objectif absolu. Veut-on mourir dans la dignité ? Se focaliser sur la seule souffrance pour réfléchir à cette cause, aboutira immanquablement un jour à l’euthanasie. Veut-on permettre aux plus démunis de vivre dignement ? Se concentrer exclusivement sur l’augmentation du salaire minimum fabrique d’autres maux, dont un sentiment de paupérisation de ceux qui se voient rattrapés par le Smig.

 

L’idole de ce monde semble être de ne vouloir vivre que selon une idée, un projet, une orientation, dans l’inconscience totale du reste du monde.

 

 

Vaincre la démagogie par la vision

 

Face à cela, Moïse proposera autre chose, une vision éthique (après une sainte colère tout de même et l’élimination de ceux qui ne veulent pas revenir à Dieu). Voyant que « le peuple était à l’abandon », Moïse ira négocier avec Dieu le bien-fondé d’éliminer ou non cette population fantasque et infidèle. Il en obtiendra un délai et la possibilité de recevoir à nouveau les tables de la Loi… mais avec le peuple à portée de main. En instaurant une tente de la rencontre où le peuple pouvait suivre pas à pas les évolutions de son chef retrouvé vers Dieu, Moïse a réussi à transformer son peuple en acteur de la promesse. Son apport éthique fut ainsi de permettre à chacun de participer à une cause plus grande que lui, éloignant ainsi le sentiment de toute-puissance et d’impatience.

 

Il ne s’agit pas là d’une méthode de management ou de politique, mais de vaincre la démagogie par la vision. Dans les débats éthiques de notre temps, peut-être cette histoire est-elle encore porteuse de sens.

 

 

 

 

 

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