Violence patriarcale et violence sexuelle dans l’Ancien testament : une ambiguïté construite

Des figures féminines de l’Ancien Testament sont souvent ignorées, oubliées ou discrètement tues, notamment pour les questions qu’elles posent sur la violence de la société patriarcale envers les femmes et les divers abus dont elles sont victimes.

Les textes que nous lisons dans le Premier testament sont issus d’une société patriarcale marquée par l’idéologie royale. Cela implique la vision d’un monde où les relations entre égaux sont peu présentes ; le modèle de base est celui du roi avec ses vassaux, où le plus fort doit protection au plus faible et en retour le plus faible doit obéissance à son seigneur. À cela s’ajoute la division des genres : les forts sont les mâles, les faibles sont les femmes. C’est aussi sur ce modèle que se conçoivent les relations au sein de la famille et du couple.

 

Dans ce cadre, on trouve des figures féminines souvent ignorées, oubliées ou discrètement tues, en particulier pour les questions qu’elles posent sur la violence de la société patriarcale envers les femmes et les divers abus dont elles sont victimes…

 

Mais les textes bibliques ne présentent pas toujours ces femmes uniquement comme des victimes ; elles sont aussi celles par qui la nouveauté va arriver, pour penser les choses autrement, pour dénoncer une situation sans issue et affirmer qu’on peut transformer une situation d’oppression en libération. Les textes sont ambigus, ils oscillent entre le statu quo et la transformation radicale. Prenons deux exemples :

 

Sarah et Hagar (Gn 16,1-15)

 

Sarah, femme légitime d’Abraham, lui donne son esclave pour assurer au patriarche une descendance. Le verbe qui signifie opprimer, maltraiter apparaît trois fois dans ce texte (v. 6, 9 et 11), pour dire la souffrance subie par Hagar. Or, c’est précisément ce verbe qui est utilisé pour décrire, dans l’histoire de l’Exode, l’oppression du peuple hébreu en Égypte.

 

Voici donc une Égyptienne maltraitée par des Hébreux, avec les mêmes mots que ceux qui sont employés pour raconter comment le peuple hébreu a été opprimé et maltraité en Égypte (Nb 20,15 ; Dt 26,6).

 

Alors Hagar, va opter pour un départ au désert comme le peuple hébreu de l’Exode. Elle commence un exode dans le sens inverse : le messager va la trouver sur la route de Shour, celle qui mène en Égypte. Et au désert, elle va rencontrer Dieu. Hagar devient l’interlocutrice de Dieu dans ce qu’on peut qualifier de premier récit d’annonciation de la Genèse.

 

 

 

 

La fille de Jephté (Jg 11,34-40)

 

        Jephté, le père part en guerre, il fait un vœu : s’il gagne, il sacrifiera la première personne qui sortira à sa rencontre au retour ; or c’est sa fille qui l’accueille. Elle acceptera d’être sacrifiée après avoir passé deux mois dans la montagne avec ses compagnes pour pleurer sur sa virginité.

 

La conduite si obéissante de cette fille représente un comportement attendu dans le cadre d’une situation totalement inattendue ; elle pourrait être une remise en cause de l’idée de l’obéissance totale au père.

 

Cette fille n’a pas de nom, elle paye de sa vie la volonté de son père de rester le maître de sa destinée, lui qui va l’empêcher de vivre sa vie de femme en tuant une vierge, sans possibilité de donner la vie à une descendance. Cette mort sans descendance va devenir une mémoire qui mobilisera les filles d’Israël.

 

Cette fille qui meurt avant son père, héritière sacrifiée au nom de l’héritage, a donc finalement plus d’avenir que lui. D’objet de sacrifice elle devient sujet de mémoire. On pourrait évoquer bien d’autres figures féminines victimes ou protagonistes d’une libération : les deux Tamar, la concubine du lévite, Dina, Ruth…

 

Aujourd’hui encore ces textes sont lus dans le sens de la critique d’une oppression vers une libération.

 

 

 

 

 

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