Depuis la mort d’André Gounelle, de nombreux hommages ont été rendus. Des témoignages de ses anciens collègues à la reconnaissance de l’Église qu’il a toujours servie avec fidélité, en passant par les paroles poignantes et puissantes de ses filles lors du service d’action de grâce, André Gounelle a été un père, un époux, un professeur, un théologien et un intellectuel de tout premier ordre.
Et il y aurait autant de témoignages forts et sincères qu’il y a de personnes qui l’ont côtoyé.
Il est bien sûr légitime de rendre hommage à cet homme et à cet esprit qui a tant marqué le monde protestant francophone. Mais il y a plus grand encore que les hommages rendus à un homme : il y a la vie de sa pensée, qui doit perdurer au-delà de la mort. La disparition du penseur n’arrête pas le dynamisme créateur de sa pensée.

Un protestantisme dans la tradition libérale
Évidemment, ses écrits continueront d’enrichir et de féconder la réflexion théologique. Mais cette pensée, animée par le désir de rendre la théologie accessible, doit continuer à nourrir la foi des fidèles. Il disait : « Je porte en moi une exigence d’intelligibilité. »
Une manière d’affirmer qu’il faut une pensée à la fois exigeante et compréhensible, qui éclaire l’expérience croyante. Son livre Les Principes du protestantisme en est un exemple marquant : combien sont-ils aujourd’hui à (re)découvrir le protestantisme à travers l’intelligence et la simplicité de cet ouvrage ?
Ce protestantisme, justement, André Gounelle le pensait dans la tradition libérale. Pendant près de soixante ans, il a participé à l’organisation des Journées du protestantisme libéral, veillant toujours à la rigueur des interventions comme à leur accessibilité pour le plus grand nombre.
Être des explorateurs de Dieu
Il a également présidé l’association Évangile & Liberté, qui défend et promeut une théologie libérale refusant de rester confinée au monde fermé des intellectuels de bureau. André Gounelle s’adressait aux esprits de ce siècle. Inspiré par la pensée de Paul Tillich et par la théologie du process, il écrivait – ce qui demeure encore aujourd’hui le leitmotiv du protestantisme libéral et progressiste :
« Je récuse autant une foi crédule (qui soit sans ou contre la raison) qu’une foi prouvée (qui estime que les arguments logiques contraignent à croire). J’aspire à une foi crédible (qui cherche à tisser des liens entre ses convictions et une compréhension globale et rationnelle possible de la réalité). »
Homme de foi, il voyait dans l’expérience religieuse une route plus importante que son point d’arrivée. Il appelait à être, comme il le disait lui-même, non pas des « chercheurs de Dieu », mais des « explorateurs » de ce dieu dont la présence s’impose, selon lui, jusque dans nos doutes.
Gardant l’espérance dans le Royaume toujours à venir, il se méfiait des réponses qui tuent la vérité en la momifiant.
« La vérité est chemin et vie, un chemin sans aboutissement, une vie sans quiétude ultime. »
Dans notre monde, où le prêt-à-croire et l’obscurantisme religieux reviennent en force, où la foi crédule devient le mot d’ordre de certains dirigeants, la pensée d’André Gounelle garde –ou même retrouve – toute sa pertinence.
Aujourd’hui, il n’est plus, mais c’est à chacune et chacun, que vous l’ayez connu ou que vous le découvriez, de poursuivre cette lutte rigoureuse mais respectueuse, intelligente et accessible, fidèle et progressiste qu’André Gounelle nous laisse – et qui nous permet d’annoncer l’Évangile.
« L’Évangile, écrivait-il, évacue l’obsession de son salut, la préoccupation de son sort. Reste la vie, la marche à faire, les tâches à accomplir pour que vienne le Royaume, autrement dit, pour que le projet de Dieu avance. »
