Des habitués du culte de la rue Marmontel, à Clermont-Ferrand, des paroissiens des églises alentour, mais aussi, plus largement, des amoureux de la poésie venus de tout le Puy-de-Dôme pour écouter résonner dans l’étonnante bâtisse de béton les mots de Charles Péguy. La pièce s’assombrit. Un faisceau de lumière donne à la simple croix de bois une ombre majestueuse. Soudain, le silence. Une jeune femme remonte lentement l’allée, pieds nus : « La foi que j’aime le mieux, dit Dieu, c’est l’espérance. »
Alors, Dieu prend la parole. Dieu, tel que l’imaginait l’intellectuel Péguy (1873-1914), quelques années avant sa mort dans les tranchées de la Première Guerre mondiale, alors que sa pensée, longtemps marquée par le socialisme et un certain anticléricalisme, se transformait sous l’effet d’un attachement croissant au christianisme.

Marie Hasse pour un seule en scène
avec les mots de Charles Péguy
© Pamela Pianezza
Sous les traits d’une nourrice s’adressant à sa protégée, Dieu, donc, passe en revue trois grandes vertus au cœur de la foi chrétienne, que l’on retrouve dans une Épître de Paul (1 Corinthiens 13.13) : « Maintenant donc ces trois choses demeurent : la foi, l’espérance, la charité ; mais la plus grande de ces choses, c’est la charité. » Mais le Dieu de Péguy dit autrement. La foi, épouse fidèle, ne l’étonne pas. La charité, mère ardente, ne l’étonne pas. Dieu les aime toutes deux, bien sûr, mais à ses yeux elles vont de soi. L’espérance en revanche, cette « petite fille de rien du tout », qui gambade entre les jambes de ses aînées, qui sans cesse tombe et se relève, voilà ce qui l’étonne…
1 h 15 plus tard, le public, ému et conquis, se masse dans l’entrée du temple pour discuter de ce qui vient d’être vécu et entendu. Un fidèle de ce rendez-vous œcuménique, qu’est devenu le Festival de théâtre biblique en douze éditions, assure avoir vécu ce soir sa plus belle représentation. Certains ne s’attendaient pas à ce qu’un texte datant du début du siècle dernier donne à entendre la voix divine par l’intermédiaire d’une femme. Un groupe se presse autour de la comédienne, Marie Hasse, pour louer sa performance : « comment apprend-on par cœur un monologue aussi long ? » C’est précisément cette complexité et cette singularité qui ont séduit l’actrice. Depuis sept ans déjà, ponctuellement, mais régulièrement, elle joue la Petite fille espérance et à chaque nouvelle rencontre, découvre dans la pièce de nouveaux trésors, au point de rêver de porter son personnage sur scène « encore et toujours, jusqu’à la fin ». Beaucoup enfin notent sur leur téléphone ou dans un carnet le titre du texte original, bien plus long, de Péguy : le Porche du mystère de la deuxième vertu. Marie sourit : « Si je donne envie de lire de la poésie, j’ai réussi quelque chose »…

Joachim Leyronnas
est Joseph vendu
par ses frères
© Pamela Pianezza
Un Ancien testament bien vivant
Redécouvrir au théâtre l’histoire de « Joseph, vendu par ses frères, élu de Dieu » quelques jours après avoir étudié à l’école biblique les chapitres de la Genèse le concernant : l’occasion était trop tentante ! D’autant que le spectacle, une création originale du comédien Joachim Leyronnas pour le Festival de théâtre biblique de Clermont-Ferrand, était conçu pour un public jeunesse, qui s’est fait un plaisir de répondre à toutes les questions que « Joseph » leur adressait depuis la scène…
