Dernières nouvelles du cosmos : le regard d’un astronome

Blaise Pascal a bien résumé le vertige de l’homme face à l’Univers : « Le silence éternel de ces espaces infinis m’effraie. » Mais, à l’heure actuelle, tout n’est-il que mécanique quantique ? Où est l’action créatrice de Dieu ? Voici un point d’étape des connaissances actuelles en cosmologie.

Un sublime ciel pendant la nouvelle lune, peuplé d’étoiles et d’objets diffus, appelle naturellement chacun à la réflexion contemplative. D’où venons-nous ? Où allons-nous ? Quelle est l’origine de l’univers ? Quel est son futur ? Et Dieu dans tout ça ?

 

Si la dernière question appartient au domaine spirituel, les deux premières sont l’objet d’une science, la cosmologie, qui a atteint sa maturité au début du 21e siècle. Science un peu spéciale, la cosmologie a pour but de comprendre et de décrire l’histoire physique de l’univers, de sa naissance à aujourd’hui.

 

 

Connaissances objectives

 

Portons un regard panoramique sur les connaissances objectives que la cosmologie contemporaine nous apporte.

 

D’une part, nous vivons dans le seul univers observable que nous connaissions ; par conséquent, réfuter les modèles interprétatifs ne peut se faire en comparant des univers entre eux, mais implique forcément une logique circulaire.

 

D’autre part, la cosmologie flirte avec les limites de validité de concepts fondamentaux de la physique, comme le temps, l’espace, la singularité primordiale, la causalité. Si bien que la tentation peut être forte de s’en inspirer pour la théologie.

 

 

Une naissance singulière

 

La dernière décennie du 20e siècle et les premières du 21e siècle ont vu nos connaissances sur le cosmos s’enrichir rapidement, à la fois sur l’observation et sur l’interprétation.

 

Aujourd’hui, nous savons que l’univers est né il y a 13,8 milliards d’années (à 100 millions d’années près) dans une phase chaude que la physique peut prédire jusqu’à un moment infinitésimal avant le début de l’univers (10-43 s), appelé « mur de Planck ».

 

Les trois premières minutes de l’univers resteront longtemps hors de portée de nos capacités expérimentales, mais elles sont déduites d’une théorie robuste, la mécanique quantique.

 

Petite frise cosmique de l’histoire de l’univers

 

© Wikimedia Commons

 

Les premières secondes de l’univers

 

Avec l’expansion de l’espace-temps et le refroidissement de l’environnement, ces trois premières minutes voient l’apparition successive des quatre interactions physiques observées aujourd’hui par découplage d’une force unifiée originelle. Cela va de pair avec l’apparition des particules de matière et d’antimatière (quarks, antiquarks, électrons, positons, neutrinos, etc.).

 

Quand l’univers est âgé de moins d’une seconde, il est encore très chaud, dominé par le rayonnement, pourtant il contient déjà tous les éléments familiers de notre univers local : les protons et neutrons, bases des noyaux chimiques qui composent la matière nous entourant, la lumière issue de la fusion entre matière et antimatière (grâce à un petit surplus de matière) et les quatre interactions physiques fondamentales (à savoir : interaction électromagnétique, interaction faible, interaction nucléaire forte et interaction gravitationnelle).

 

 

Modèles et observations

 

On peut commencer à confronter les modèles aux observations avec le premier événement de l’univers primordial susceptible d’être observable quand nos moyens expérimentaux le permettront : l’émission massive de neutrinos quand l’univers est âgé de deux secondes.

 

Le deuxième événement se produit quand l’univers atteint l’âge d’une minute : la nucléosynthèse initiale. Les protons fusionnent entre eux et avec les neutrons pour former le gaz primitif qui servira, des centaines de millions d’années plus tard, de carburant à la formation des étoiles. La théorie prédit qu’un atome d’hélium se forme pour dix atomes d’hydrogène. C’est encore la proportion qu’on observe aujourd’hui dans le gaz primordial.

 

Un troisième événement observé aujourd’hui advient quand l’univers est âgé de 380 000 ans : la lumière cosmologique issue de la capture des électrons par les noyaux atomiques. L’univers est alors mille fois plus petit qu’aujourd’hui et sa température dépasse les 3 000° C. Cette lumière qui nous arrive du fond des âges est observée aujourd’hui à une température de -270° C, c’est-à-dire en onde radio.

 

Elle nous informe que l’univers jeune était extraordinairement homogène. C’est aussi à ce moment-là que l’univers entre dans sa vie d’adulte, dominé par la matière et l’attraction gravitationnelle.

 

 

L’ère des étoiles et des grandes structures

 

Le ballet cosmique s’organise alors en une compétition entre l’expansion de l’univers et les zones de surdensité qui s’effondrent sur elles-mêmes, créant étoiles et galaxies par agrégation hiérarchique des objets les plus petits (trous noirs et amas d’étoiles) aux plus grands (amas de milliers de galaxies).

 

En parallèle des grandes structures se déroule l’histoire de la complexification de la matière en espèces chimiques de plus en plus complexes, dont les moteurs sont les générations successives d’étoiles, à la fois pourvoyeuses d’énergie et d’éléments chimiques lourds. L’évolution de cette matière se fait sur 13,7 milliards d’années.

 

Le grand télescope spatial James-Webb nous permet d’observer cette histoire depuis les toutes premières étoiles ! Notre soleil et son cortège de planètes sont nés dans notre galaxie géante voilà cinq milliards d’années. L’émergence de la vie (astrobiologie) est une autre longue histoire, encore bien lacunaire.

 

Le ballet cosmique s’organise, créant étoiles

 

et galaxies par agrégation hiérarchique

 

© Pixabay

 

Les lacunes de la cosmologie

 

La cosmologie fait face aujourd’hui à des incohérences encore non élucidées. Les grandes structures observées dans l’univers local sont trop importantes pour la quantité de matière présente dans l’univers avec l’attraction gravitationnelle en action. Pour réconcilier la gravitation et les observations, les astronomes ont inventé une matière invisible dont le seul effet est gravitationnel : il en faut six fois plus que de matière ordinaire ! Pire, les astronomes ont découvert à l’aube du siècle que l’expansion de l’univers accélérait, ce qui est impossible dans le cadre théorique de la relativité générale.

 

Ils ont dû inventer une nouvelle forme d’énergie, baptisée « énergie noire ». Cette énergie noire doit composer 70 % de toute l’énergie de l’univers. Ainsi, l’univers serait aujourd’hui composé de 95 % de composantes sombres (matière : 25 %, énergie : 70 %) et ce que nous voyons avec nos télescopes ne seraient que les 5 % restants.

 

 

Et Dieu dans tout ça ?

 

Il est tentant, comme croyant, de se dire qu’inventer des composantes invisibles est finalement du même ordre que croire en un dieu créateur, un grand dessein, un grand horloger, qu’il est évident que Dieu se trouve derrière la singularité, le temps, l’espace et tout ce qui nous entoure.

 

Mais franchir ce pas serait renoncer à deux beaux cadeaux que Dieu a offerts à l’humanité : la curiosité et l’intelligence. Je crois que Dieu et la science sont incommensurables au sens philosophique du terme, c’est-à-dire qu’ils peuvent coexister dans le cœur et l’esprit de chacun, pour notre plus grand bonheur !

 

 

 

Sur l’auteur :

 

Membre de l’Église protestante unie de France en Hautes-Pyrénées, Rémi Cabanac est également membre de l’équipe Galaxies, astrophysique des hautes énergies et cosmologie de l’Institut de recherche en astrophysique et planétologie de l’Université de Toulouse III Paul-Sabatier, directeur scientifique du Pic du Midi, directeur adjoint de l’Observatoire Midi-Pyrénées en Bigorre.

 

 

 

#Astronomie #Culture #Dossiers #Sciences #Univers #Vivre sa foi au regard de la science

Nos titres

Échanges
Ensemble
N°699 - novembre 2025
Le Cep
Le nouveau messager
N°446 - juin 2020
Le Protestant de l'Ouest
N°740 - novembre 2025
Le Ralliement
N°349 - novembre 2025
Liens protestants
N°209 - novembre 2025
Paroles protestantes Est-Montbéliard
N°500 - novembre 2025
Paroles protestantes Paris
Réveil

Pour aller plus loin

Violence dans l’église : Nommer, comprendre, éclairer, un état des lieux nécessaire
Violences sexuelles et sexistes : où en sont les protestants ?
Violence dans l’église : Nommer, comprendre, éclairer, un état des lieux nécessaire
Depuis quelques années, plusieurs affaires douloureuses ont secoué le protestantisme français et mis en lumière la difficulté de nos Églises à affronter la réalité des violences sexuelles et sexistes. Dans la continuité des rapports qui ont marqué la société et nos propres institutions, il est devenu indispensable de poser un regard lucide et pédagogique.
Écouter et réparer : La commission reconnaissance et réparation
Violences sexuelles et sexistes : où en sont les protestants ?
Écouter et réparer : La commission reconnaissance et réparation
La Commission Reconnaissance et Réparation (CRR) a été fondée en novembre 2021 à l’initiative de la Conférence des religieux et religieuses de France (Corref) de l’Église catholique. Son rôle est de reconnaître, en toute indépendance, les violences sexuelles commises par des religieux et de proposer des formes de réparation pour les victimes. Elle est présidée par Antoine Garapon, magistrat honoraire et ancien juge des enfants.
Édith Tartar-Goddet : Prévenir les abus, un travail de fond pour l’Église
Violences sexuelles et sexistes : où en sont les protestants ?
Édith Tartar-Goddet : Prévenir les abus, un travail de fond pour l’Église
Édith Tartar-Goddet a publié en 2020 un ouvrage sur la toute-puissance humaine et les abus de pouvoir dans les Églises. Elle attire l’attention sur la banalisation de certaines violences. Pour les victimes, c’est alors la double peine : à la souffrance succèdent l’indifférence et l’isolement.
Deux ans d’existence de la cellule VSS des EEUDF : l’heure du bilan
Violences sexuelles et sexistes : où en sont les protestants ?
Deux ans d’existence de la cellule VSS des EEUDF : l’heure du bilan
En octobre 2022, le conseil d’administration des Éclaireuses et Éclaireurs Unionistes de France (EEUdF) a adopté un texte concernant les violences sexistes et sexuelles (VSS). Par ce texte, l’association s’engage notamment à agir concrètement pour éduquer à des relations humaines harmonieuses et à l’égalité des genres, et pour lutter contre les VSS.
EPUdF : des outils pour lutter contre les violences
Violences sexuelles et sexistes : où en sont les protestants ?
EPUdF : des outils pour lutter contre les violences
Depuis quelques années l’Église protestante unie de France travaille la question des violences en Église.
Animal, on est mal
Dossiers
Animal, on est mal
Le droit français ne reconnaît les animaux comme « des êtres vivants doués de sensibilité » que depuis un an. Cela ne suffira pas pour que leur soient épargnées les souffrances, d’autant plus intolérables qu’elles sont évitables, infligées par l’élevage intensif, les conditions d’abattage et la recherche scientifique…
L’espérance malgré tout
Haïti, la rançon de l'indépendance
L’espérance malgré tout
Quand on regarde le niveau de misère auquel le peuple haïtien est soumis depuis des décennies, on comprend difficilement qu’en Haïti le taux de suicide ne soit pas de loin plus élevé que celui des autres pays des Caraïbes. C’est pourtant dans ce contexte qu’on trouve des hommes et des femmes de foi qui décident de continuer d’oeuvrer malgré la mauvaise foi de ceux qui installent, nourrissent et maintiennent la destruction de la vie en Haïti.
Agir pour tous les enfants
Haïti, la rançon de l'indépendance
Agir pour tous les enfants
Depuis 1986, la Fédération des écoles protestantes d’Haïti (FEPH) s’est fixé pour objectif de garantir une éducation de qualité accessible à tous les enfants. Alors que les gangs armés n’hésitent pas à enrôler des enfants, elle est plus que jamais indispensable à la jeunesse haïtienne.
Le prix de l’indépendance
Dossiers
Le prix de l’indépendance
200 ans après l’indépendance, le remboursement de la dette d’Haïti à la France est toujours au centre des discussions. Mais de quoi s’agit-il vraiment ?