Se rafraîchir à l’oasis de la fraternité

L’été 2020 s’annonce très chaud. Benoît Ingelaere profite de cette prévision estivale pour offrir une réflexion sur le rôle de l’Église face à notre besoin de rafraîchissement spirituel.

Nous allons tous être en quête de rafraîchissement. Cette quête évoque pour moi deux images, à mille lieues l’une de l’autre : l’oasis dans le désert ou la terrasse d’un bistrot.

 

 

 

L’oasis dans le désert, c’est d’abord une image, un mirage même quand la chaleur se fait trop forte. Lieu du rafraîchissement en zone aride, dans une oasis nul ne demeure, sauf parfois un gardien, mais ce qui est là de manière constante et ce pour quoi il y a une oasis, c’est la source, le puits, le point d’eau offert. L’oasis est pour cela un lieu rare, précieux, recherché.

 

Saurons-nous la trouver ? Car, faut-il le dire : des déserts, nous en avons !

 

 

 

Nous pouvons en évoquer quelques-uns… Pour le chrétien conscient du changement climatique, acteur du label Église verte, le désert sera ce qui s’annonce dans le réchauffement de la planète et les canicules à répétition que nous aurons à vivre. Pour le paroissien attaché à son clocher et à ses cultes chaque dimanche – comme avant – le désert évoquera le manque de pasteur et les nouvelles organisations ecclésiales. Bien entendu, le désert pour le huguenot, fidèle au Musée du même nom, évoquera cette période glorieuse, voire mythique, où les protestants luttèrent pour le libre exercice du culte. Enfin, de manière souvent plus dramatique, après les mois de confinements traversés, le désert de la solitude a touché beaucoup de nos proches, de nos voisins, et de celles et ceux, nombreux, que nous ne connaissons pas et qui ne sont connus que de très peu.

 

Oui, les déserts sont nombreux dans nos vies et dans nos imaginaires, et les oasis sont plus rares.

 

« Boire une bière et prendre du bon temps

 

est aussi un acte de foi. » (Martin Luther)

 

(© Michal Malota@unsplash)

 

 

 

Une histoire rythmée par les oasis

 

Pourtant l’image a ses racines dans la Bible et dans l’histoire. Dès l’Exode, ce sont bien des oasis qui rythment la marche du peuple au désert. L’image du puits est un classique biblique du lieu de la rencontre : on évoquera la Samaritaine rencontrée par Jésus ; la quête du rafraîchissement, le besoin de boire se fait alors occasion de rencontre et, à travers elle, l’oasis, le puits devient lieu de communion.

 

Au-delà du texte biblique, dans l’histoire de l’Église, c’est bien dans des oasis, en Égypte, notamment dans la vallée du Natron, qu’émergeront les premiers monastères comme lieu de refuge des chrétiens.

 

 

 

L’image de l’oasis – et le rafraîchissement qu’elle évoque – peut-elle alors être une image de l’Église ? Peut-être, mais il ne s’agit plus alors de tenir une institution, mais de laisser ouvert un lieu de passage où tous peuvent se rafraîchir à la source ou au puits. Le fidèle n’est plus un membre qui s’inscrit dans une durée, mais un passant qui fait étape avant de repartir ailleurs, et qui pourra dans l’avenir trouver à se rafraîchir ailleurs. Lieu de rafraîchissement et de passage, l’oasis a pourtant besoin de gardien pour l’entretenir et demeurer accueillante. L’image pour l’Église pose la question du lien communautaire et/ou de la communion : comment rester en lien à distance, et quand le campement n’est que celui d’un instant ?

 

 

 

Le simple geste de boire ensemble

 

Reste alors la deuxième image : le bistrot, que j’évoque pour conclure. Certes, ce dossier est sur le thème de l’eau. Certes, aussi, le calvinisme a fait du café un lieu de perdition, tant les excès de l’alcool sont à combattre et ses conséquences dramatiques. Mais, quand la chaleur sera là, on pourra se souvenir du mot de Martin Luther, cité par le professeur Gérard Siegwalt lors d’un synode : « boire une bière et prendre du bon temps est aussi un acte de foi. » Ce qui est vrai d’une bonne bière peut l’être d’un verre d’eau, d’un sirop ou de tout rafraîchissement. Car, dès qu’il est partagé – par ce simple geste de boire ensemble – le rafraîchissement crée une oasis de fraternité.

 

Alors, bonne lecture ! Et que la chaleur du moment ne vous accable pas, que ce ne soit pour personne un obstacle pour se rafraîchir à la source de Dieu, en communion les uns avec les autres.

 

 

 

 

 

#Actualité #Baptême #Dossiers #L'eau #Source #Spiritualité

Nos titres

Échanges
Ensemble
Le Cep
Le nouveau messager
N°446 - juin 2020
Le Protestant de l'Ouest
Le Ralliement
Liens protestants
Paroles protestantes Est-Montbéliard
Paroles protestantes Paris
Réveil

Pour aller plus loin

Familles recomposées : Noël, entre rires et larmes
Réinventer Noël
Familles recomposées : Noël, entre rires et larmes
Pour de nombreux parents et enfants vivant dans des familles séparées et/ou recomposées, Noël reste une période éprouvante où faire plaisir à tous relève d’une logistique complexe.
Être à la fête… ou pas : Noël des injonctions
Réinventer Noël
Être à la fête… ou pas : Noël des injonctions
Chaque fin d’année, la même litanie revient : « Fêtez Noël », « Faites plaisir », « Soyez ensemble ». Messages publicitaires et discours familiaux font de cette date un sommet de joie obligatoire. Pour beaucoup, ce scénario est irréel : la joie, devenue devoir, se change en fardeau ; la fête, en examen de conformité.
Noël, le temps de l’attention
Réinventer Noël
Noël, le temps de l’attention
Pour certains, ces traditions sont des indétrônables de la fin d’année, pour d’autres, ces sacro-saints rituels sont dépassés. Et de fait, avec l’évolution de la société, les recompositions familiales, il faut souvent réinventer cette période de fête.
Seul à Noël
Réinventer Noël
Seul à Noël
En France, près de 15 % de nos compatriotes passent Noël seuls. Qu’elle soit volontaire ou contrainte, cette solitude reste un tabou dans notre société.
Vivre Noël avec une famille en crise ?
Réinventer Noël
Vivre Noël avec une famille en crise ?
Ils sont trois, nés de l’union de leurs parents, tous deux enseignants. Leur enfance s’est déroulée dans un cadre empreint de tendresse et de stabilité, où Noël représentait bien plus qu’une simple fête : c’était un rituel sacré, un moment de chaleur et de rires partagés.
Face aux excès, des pistes pour vivre Noël autrement
Société
Face aux excès, des pistes pour vivre Noël autrement
Nous sommes nombreux à regretter que Noël soit trop souvent synonyme d’excès en matière de nourriture, de cadeaux et même de relations sociales… Alors, que pouvons-nous faire pour vivre Noël autrement, de manière plus écologique ?
Violence dans l’église : Nommer, comprendre, éclairer, un état des lieux nécessaire
Violences sexuelles et sexistes : où en sont les protestants ?
Violence dans l’église : Nommer, comprendre, éclairer, un état des lieux nécessaire
Depuis quelques années, plusieurs affaires douloureuses ont secoué le protestantisme français et mis en lumière la difficulté de nos Églises à affronter la réalité des violences sexuelles et sexistes. Dans la continuité des rapports qui ont marqué la société et nos propres institutions, il est devenu indispensable de poser un regard lucide et pédagogique.
Écouter et réparer : La commission reconnaissance et réparation
Violences sexuelles et sexistes : où en sont les protestants ?
Écouter et réparer : La commission reconnaissance et réparation
La Commission Reconnaissance et Réparation (CRR) a été fondée en novembre 2021 à l’initiative de la Conférence des religieux et religieuses de France (Corref) de l’Église catholique. Son rôle est de reconnaître, en toute indépendance, les violences sexuelles commises par des religieux et de proposer des formes de réparation pour les victimes. Elle est présidée par Antoine Garapon, magistrat honoraire et ancien juge des enfants.
Édith Tartar-Goddet : Prévenir les abus, un travail de fond pour l’Église
Violences sexuelles et sexistes : où en sont les protestants ?
Édith Tartar-Goddet : Prévenir les abus, un travail de fond pour l’Église
Édith Tartar-Goddet a publié en 2020 un ouvrage sur la toute-puissance humaine et les abus de pouvoir dans les Églises. Elle attire l’attention sur la banalisation de certaines violences. Pour les victimes, c’est alors la double peine : à la souffrance succèdent l’indifférence et l’isolement.