Un festival en Région parisienne : Écologie peut rimer avec espérance

Les pratiques et les débats concernant l’écologie rencontrent des valeurs du protestantisme, bien au-delà des approches politiques ou sociétales. La Région parisienne réformée de l’EPUdF organise un festival, Terre d’espérance, pour relier écologie et espérance.

Comment conjuguer la sauvegarde de la Création avec l’espérance ? Les projets mis en œuvre depuis quelques années autour du label Église verte, les débats et avancées concernant l’écologie et la nécessité d’agir pour l’environnement ont déjà catalysé les efforts de nombreuses Églises locales.

 

 

L’espérance d’un synode

 

Pour se vivre pleinement, une vision a également besoin d’une ligne d’espérance. Le synode réformé en Région parisienne a demandé en 2022 qu’un chantier « Écologie et justice climatique » soit ouvert. Il démarre par un événement fédérateur, en co-construction entre les services régionaux, le Conseil régional, les consistoires et les paroisses. La sauvegarde de la Création étant par définition un enjeu universel qui concerne les aspects politiques, économiques et sociaux de notre monde, le protestantisme a-t-il dès lors une parole particulière sur le sujet ? Comment vivre localement cette question de l’écologie sans y mêler la politique ou des approches clivantes ? Comment espérer pour demain devant la réalité d’aujourd’hui ? Peut-on inventer de nouveaux modes de vie, réalistes pour la société citadine ? Ces questions et beaucoup d’autres ont irrigué l’idée d’un festival de l’espérance, où les pratiques et réflexions de tous horizons paroissiaux pourront être partagées dans l’optique de construire l’espérance de demain.

 

 

Mettre le spirituel au centre

 

La démarche pourrait paraître utopique de rassembler des protestants toujours en débat les uns avec les autres autour d’un sujet qui semble ne s’épuiser dans aucune limite, ne se dissoudre dans aucune bonne initiative ou idée géniale. Par-dessus tout, la parole protestante n’a pas forcément vocation à être spécifique ou ultime. Alors à quoi bon rassembler des protestants de toute la région pour un festival festif et joyeux sur un sujet qui angoisse une partie non négligeable de la population ?…

 

Eh bien justement. Une des spécificités de la Bible est l’affirmation de l’espérance au-delà de toute espérance humaine. Si certains psaumes chantent la grandeur de Dieu et la beauté de la Création au milieu des tempêtes qui s’abattaient sur le monde d’alors, c’est d’abord parce que la foi dépasse infiniment ce que l’être humain peut en discerner. Si une paroisse est capable d’innover par une réflexion ou une action positive pouvant bénéficier à l’avenir du monde, la partager devient essentiel. Il s’agit alors non seulement de faire se rencontrer des idées, mais de mettre en œuvre cette part de créativité qu’on appelle l’inspiration et dont la source se situe en l’Esprit saint.

 

 

Ce concret qui libère

 

Une kyrielle d’initiatives existent déjà, des débats et colloques, par exemple un cycle de conférences « Vers une terre vivable pour tous » qui a débuté en novembre à Auteuil, des expositions itinérantes comme « Le monde comme jardin » ou « Oiseaux du monde : merveilles de la biodiversité ». Le but d’une journée de festival est de montrer ce qui existe, en créant ainsi des dialogues entre personnes, paroisses, organisations.

 

Mais plus encore il s’agit de créer des liens concrets pour mettre en œuvre des actions effectives, tant il est vrai que faire est une excellente manière de combattre l’angoisse. Or en toile de fond de ce festival, la question de l’avenir écologique du monde génère justement pour nombre de citoyens de l’anxiété, voire une sidération, devant le travail à accomplir.

 

 

Vers une parole vivante

 

Le terme de « sidération » n’est pas utilisé à la légère ; il traduit pour le psychologue le ressenti d’une partie de la population comme étant un état de choc chronique, durable, lancinant et qui génère un stress constant, voire une impossibilité d’en parler.

 

Ce type de réaction au stress est bien connu des cliniciens spécialistes des situations traumatiques. Ils opposent à ces stress des choses très concrètes, comme des questions factuelles qui rattachent au réel quotidien ou des projets d’action. Dans l’esprit des personnes, cela retisse un lien avec la réalité et facilite grandement le partage d’émotions à propos du stress et le passage à l’action. Cette manière de faire a été utilisée à maintes reprises, notamment pour « déchoquer » les otages des guerres. Or certains, des jeunes notamment, ne disent-ils pas être pris en otage par les choix de vie des générations précédentes ? N’y a-t-il pas un travail concret à réaliser pour libérer la parole, un travail de compréhension mutuelle, de mise en mots, voire de pardon ?

 

 

Festival pour rejoindre protestants et grand public

 

Au-delà de ces enjeux spirituels, il faut bien constater que le protestantisme n’a que peu d’occasions de se réunir, de louer Dieu d’une voix unie et si diverse, de rendre grâce pour la Création.

 

Le lieu répond en grande partie à cette attente ; il se prête parfaitement à la prière en forêt, aux bibliobalades en pleine nature. Côté conférences, débats ou stands pour apprendre les uns des autres, la proximité du lycée Bernard-Palissy offre l’espace suffisant pour accueillir un grand nombre de participants ; il permettra des apprentissages mutuels et l’esquisse de chemins vers un nouveau mode de vie désirable, un nouvel imaginaire. Il s’agit donc bien d’un événement à portée régionale, pour lequel tout est prévu pour plus d’un millier de personnes.

 

À regarder les résultats de l’enquête sur « Les chrétiens et la crise climatique » de juin 2023 (Ifop, ARocha, Flam, Bersier), l’événement Terre d’Espérance pourrait répondre aux besoins perçus. Le sondage montre que 62 % des protestants pratiquants estiment le changement climatique dû principalement à l’activité humaine. 81 % ont conscience qu’il faut changer radicalement de mode de vie, 84 % aimeraient en faire plus et 64 % estiment que le rôle de l’Église est de parler et d’agir tant socialement que spirituellement.

 

 

Les enjeux dépassent le simple événement

 

Derrière une manifestation d’une journée rassemblant les acteurs protestants de l’écologie, les paroisses et le grand public, se joue une manière d’envisager le rôle des humains pour porter la Création vers un meilleur possible.

 

Pour le chrétien, la Création racontée en Genèse 1 et 2 est une ouverture de possibles dans un chaos initial. L’action de Dieu consistait à tracer une ligne pour en écarter les bords et générer ainsi un espace de vie pour l’être humain. Autant dire que dans le tohu-bohu du monde, franchir les impossibles est une espérance réalisable. Mais cela n’est concrètement faisable que par une modification des schémas mentaux, un changement de logiciel. Il y a bien sûr les évolutions de modes de vie et la sensibilisation, mais bien plus, ce type de rassemblement est capable de générer une adhésion importante qui entraîne à son tour d’autres actions, agissant comme un bras de levier.

 

 

Porteurs d’espérance avec d’autres

 

De même que le chrétien est habité par la grâce et appelé à s’en laisser infuser jusqu’à teinter toutes ses paroles et les actions qu’il entreprend, la parole concernant la Création doit pouvoir suivre le même chemin et transformer le paroissien en porteur d’espérance, en ambassadeur de l’expérience rencontrée à Boissy-Saint-Léger. Être ambassadeur, ou teinté d’espérance, c’est peut-être une autre manière de dire l’évangélisation : une voie de spiritualité moderne et parfois décalée, qui pourra prendre en compte la parole et l’expérience des divers partenaires de l’opération, qu’il s’agisse des paroisses, du scoutisme unioniste ou d’associations chrétiennes plus spécialisées.

 

Cet enjeu de taille est porté par la Région et pourrait bien faire partie de la mission des conseillers presbytéraux fraîchement élus quelques mois auparavant. Là encore, le rôle des Conseils de paroisse est central pour permettre à l’Église de célébrer la Création, dans toute sa merveille.

 

 

Terre d’espérance, samedi 4 mai 2024 à Boissy-Saint-Léger
https://rp.epudf.org/

 

 

 

 

 

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