Mon baptême a été important pour moi. Mais comme j’ai été baptisée à un an et que je n’ai pas eu de vie d’Église ni de caté, le fait d’avoir été baptisée, je le vivais comme une identité protestante. La famille de ma maman était catholique, celle de mon père protestante, mais ils étaient engagés ailleurs.
Quand j’ai commencé à me poser des questions existentielles, je me suis rendu compte que mes valeurs étaient des valeurs chrétiennes. Mon père est décédé brutalement, peu après mes 17 ans, et cela a engendré beaucoup de ruptures familiales. L’année du bac et mon orientation en ont été un peu compliquées. Après un début en économie, je me suis orientée vers la philosophie.
Un étudiant catholique venait à la maison me donner des cours de philo. Il faisait des schémas en m’expliquant les relations de Dieu avec le monde ; sa façon de me présenter les problématiques sur l’existence de Dieu, le mal, etc. me parlait vraiment. J’ai suivi quelques cours de philo à la faculté catholique de Lyon en auditrice libre. Ensuite, ma famille a déménagé à Aix-en-Provence et je me suis inscrite en philosophie à la faculté de lettres.
Là, j’ai côtoyé une étudiante catholique qui reliait ce qu’elle apprenait à la fac avec sa foi. Dans sa vie personnelle, elle avait besoin de vivre le pardon, lié au Christ. Et puis j’ai eu pendant deux ans un professeur résolument athée, qui faisait cours sur le mal, le péché, la théodicée, Luther et Calvin…, et qui présentait aussi les philosophes et leurs contre-arguments. Grâce à ces cours, j’ai compris que ma conception du monde incluait Dieu, depuis très longtemps. Le Christ était ma question, difficile… Beaucoup de choses prenaient sens, mais restait l’énigme des miracles. Finalement, j’ai pensé que si Dieu avait vraiment les caractéristiques qu’on lui prête, il était capable de faire que ce qui a symboliquement du sens ait lieu, même si cela me dépassait ; que c’était aussi « logique » !
J’avais fait le vœu que si Dieu me donnait la foi, je ferais des études de théologie. Alors je me suis inscrite à la faculté de théologie (actuellement Faculté Jean Calvin), en 1998. En arrivant, je ne connaissais rien des Églises, mais j’ai dit d’emblée que je voulais être pasteur ! En fait, j’arrivais après un gros débat sur la question, on n’en parlait plus vraiment et le manque d’encouragements à ce sujet a eu une influence sur moi.
Après, dans un autre cadre, j’ai rencontré Jérôme, mon mari. On s’est mariés lorsque j’étais en troisième année de licence et on s’est installés à Marseille. J’ai arrêté les études, ne voyant pas trop où j’allais. Nous avons fréquenté une Église réformée indépendante (EREI).
Dans la petite École protestante d’Endoume, qui rassemblait ce que j’aimais, j’ai rencontré une maîtresse d’école. J’avais un deug de philo et je me suis lancée dans une licence en sciences de l’éducation pour être maîtresse d’école, suivie de deux ans de préparation et de formation.
L’été, je faisais des suffragances, je prêchais dans la région. J’ai fait partie du conseil de l’Église de Friedland. Tout cela était nouveau, pour nous.
Nous avons déménagé plusieurs fois et il a été difficile de trouver comment nous engager localement. Quand j’ai eu mes enfants, la maternité m’a beaucoup questionnée. En fait, je cherchais des modèles. Quelle priorité : être mère ? travailler ? reprendre les études et servir l’Église ?
Je me suis réinscrite en théologie, en master – mon premier enfant avait 9 mois. C’était pour être pasteur, j’étais encouragée par des pasteurs et sûre que notre union d’Églises m’accepterait. Et en fait, non. Un « non » et plus rien. Cela a été brutal. Notre union avait pourtant eu un vote favorable sur le ministère pastoral féminin, mais avec très peu d’écart. Aujourd’hui, c’est encore un sujet délicat.
À la faculté de théologie, mon professeur de systématique me dit : « Ton mémoire, fais-le sur l’herméneutique des théologies féministes ». Quelle surprise… ou quel humour de Dieu ! J’accepte. Notre troisième enfant arrive à ce moment-là. J’ai dû reprendre plus tard pour terminer ce master 2.
En attendant, j’étais verrouillée sur la question du ministère. J’ai lu les féministes mais également Wayne Grudem, un théologien américain qui s’oppose aux « égalitariens ». J’ai été fascinée par son argumentation très pointue contre le ministère pastoral des femmes… Mais ça m’a confirmé que la théologie ne peut pas être un système clos. Il y avait là quelque chose de faux, comme une manipulation : on se sentait obligé de dire oui à chaque étape et on se retrouvait avec une liste de ce que les femmes peuvent faire ou pas. Plus aucune place pour l’Esprit saint ! J’ai vécu cette recherche à tâtons, heureusement en lien avec Valérie Duval-Poujol, théologienne baptiste, qui m’a beaucoup accompagnée.
Avec le livre d’Élisabeth Parmentier (Les filles prodigues – défis des théologies féministes), au contraire, je pouvais adhérer à l’inspiration des Écritures, donner autorité à la Bible comme parole de Dieu, mais avoir aussi une autre interprétation des textes. Du coup, j’ai pris un gros virage dans mon travail. J’ai passé mon master 2. Malgré mon positionnement, mon professeur m’a poussée sur le sujet, j’ai eu un 14 et des félicitations… Étonnant !
Installés à Manosque, nous avons trouvé une dynamique avec Hanitra Ranaivoson, la pasteure de l’Église protestante unie. L’EPUdF, je ne connaissais pas vraiment, mais j’ai voulu dépasser mes préjugés. Pour moi, la question de l’unité est très importante : « protestant », c’est déjà compliqué pour les gens, alors si on morcelle encore ! La fidélité ne consiste pas à chercher toujours des différences. L’unité sans uniformité, c’est fort, c’est courageux, et « être une Église de témoins », ça parle et c’est moteur !
L’an dernier, Hanitra m’a suggéré de faire une démarche auprès de la commission des ministères de l’EPUdF. Je me suis remise en route intérieurement, j’ai recommencé à prêcher. On a prié. Mais quand on m’a dit que je devrais reprendre le master 1 à Montpellier, avec mon travail et mes quatre enfants, j’ai décidé de ne plus y penser !
Il fallait que je me pose, avec par ailleurs une année dans une école difficile, un CM1 très dur. J’ai été menacée de mort deux fois. J’ai dû poser le cadre et peu à peu la classe a changé. J’ai remis tout ça au Seigneur. J’avais l’impression d’être dans le ventre de la baleine. Me retrouver avec Dieu, lire la Bible, prier, arrêter de vouloir à tout prix, laisser venir les choses.
Le fait d’avoir donné une conférence aux « Rendez-vous de la pensée protestante » m’a réconciliée avec l’idée de poursuivre dans la théologie. Le côté institutionnel ne me va pas. Je me vois plutôt itinérante, j’aimerais donner des enseignements qui touchent les gens… Est-ce que le ministère pastoral me correspond ? Il y a tellement de façons d’être pasteur !
