Le rap et Dieu

Rebelle et anticonformiste, issu des ghettos nord-américains, le rap français s’est développé dans les zones urbaines défavorisées. Mais il laisse une place marquée à la religion, qui n’est pas sans influence.

Le rap, qui a traîné une réputation sulfureuse, aux accents verbaux violents, aux artistes peu recommandables, va vers une logique plus commerciale, de profit et privilégie désormais des refrains plus sympathiques mettant en scène récits de bagarres, délits, grosses fiestas, filles, business… Mais, est-ce par réaction ? Certains rappeurs ne font plus mystère de leur appartenance religieuse (tel Booba), d’autres restant plus discrets. Abd Al Malik, auteur du livre Qu’Allah bénisse la France ! écrit : « En tant qu’artiste, je parle de ma spiritualité, d’une vérité chérie, surtout pas oppressante ».

 

Des rappeurs prennent Dieu à témoin (©pixabay)

Une relation ambiguë à Dieu

 

Allah (les fils d’immigrés, nombreux dans l’univers rap, ont grandi avec l’Islam) ou Dieu est pris à témoin devant le monde injuste où cherche à survivre le rappeur, mais le plus souvent, son évocation sert à marteler certaines valeurs morales ou à justifier l’attitude belliqueuse de ceux qui souffrent de frustrations et de rancœurs. Dieu, et ce n’est pas nouveau, est utilisé pour justifier l’homme et ses rêves démesurés de réussite et de gloire. Kanye West (rappeur américain) le traduit bien dans son nouvel album intitulé Yeezus. Son morceau Am A God le clame sans détour : « Je viens de parler à Jésus/ Il m’a dit “Quoi de neuf Yeezus ?”/ J’ai dit : “Je me détends/ en essayant d’entasser ces millions”/je sais qu’Il est le plus grand/ mais je suis son disciple/ ma maison est la sienne. / C’est à nous/ Je suis un dieu/ Je suis un dieu ».

 

La figure du Christ trouve un écho chez certains rappeurs américains qui s’identifient à son image d’homme persécuté, prêt à affronter la mort pour défendre une cause juste.

 

 

 

De la culture à la spiritualité

 

En France, évoquer Allah ou son appartenance à la religion, c’est tenter de se distinguer d’un rap purement commercial et débauché. Certains labels ou distributeurs de marque hip-hop se sont d’ailleurs convertis à un langage plus communautaire, ainsi Ness & Cité au Havre, a pour label Din, « religion » en arabe. Les artistes assument ainsi la culture et un peu de l’identité de leurs parents. Et il y a ceux que la quête spirituelle habite et qui témoignent : « Athée, j’ai mué pour devenir un ultra mystique/un métèque de confession islamique/j’ai embrassé le chemin droit et délaissé les slaloms », écrit Kerry James, haïtien d’origine (28 décembre 1977, 2001).

 

Le rap est une tribune, un tribunal pour certains et une occasion parfois, parce qu’écouté, d’être entendu sur le terrain miné des tabous, des dérives d’une société morcelée par des discours communautaristes et par sa peur. Au bout du rap, des hommes cherchent leur place parmi d’autres et une justification noble pour exister.

 

 

 

 

 

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