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Imaginez une jeune fille abandonnée à la naissance, recueillie par un bienfaiteur qui la sauve, la nourrit, l’habille de vêtements somptueux et l’épouse par amour. Mais, au lieu de chérir cet amour, elle le trahit, courant après d’autres passions. Cette image, c’est celle que le prophète Ézéchiel utilise pour dépeindre la relation entre Dieu et Jérusalem, son peuple élu. Ce texte, à la fois poignant et provocateur, nous invite à réfléchir sur l’amour de Dieu, notre propre fidélité et la grâce qui surpasse nos échecs.
Une histoire d’amour et de rupture
Ézéchiel, prophète exilé à Babylone vers 600 avant J.-C., s’adresse à un peuple en crise. Les Israélites, déportés loin de Jérusalem, voient leur temple menacé et sont tentés par les idoles des nations voisines. Pour réveiller leur conscience, Ézéchiel raconte une histoire saisissante. Jérusalem est comparée à un nourrisson abandonné, sans espoir, gisant dans son sang (v.3-5). Dieu, dans sa miséricorde, se penche sur elle et déclare : «Vis ! » (v.6) Il la fait grandir, la pare de beauté, lui offre des bijoux et des vêtements splendides, et scelle une alliance avec elle, comme un époux aimant (v.8-14). Cette image illustre l’histoire d’Israël: un peuple sans terre ni gloire, choisi par Dieu, béni par la terre promise, la Loi et le Temple.
Or l’histoire prend un tournant dramatique. Comblée de bienfaits, Jérusalem se détourne de Dieu. Elle « se confie en sa beauté » (v.15) et se livre à l’idolâtrie, assimilée à une « prostitution » spirituelle. Elle offre les dons de Dieu, or, argent et même ses enfants à des idoles (v.16-22). Le sacrifice des enfants, pratique associée à certains cultes païens, est un point culminant de cette trahison, une blessure profonde au cœur de l’alliance. Le langage d’Ézéchiel est cru, totalement choquant. Il veut que son peuple ressente la douleur de Dieu, trahi par ceux qu’il a aimés et comblés.
Un texte qui dérange
Ce passage n’est pas facile à lire. Les images qu’Ézéchiel utilise, surtout dans les versets suivants (16.37-39), sont d’une violence symbolique troublante. Le châtiment de Jérusalem est dépeint comme une humiliation publique, une nudité imposée, voire un viol métaphorique infligé par ses « amants » (les nations païennes). Ce langage, typique des prophètes, vise à secouer, à provoquer la repentance. Pour nous, lecteurs modernes, il soulève des questions. Comment concilier ces images dures avec l’idée d’un Dieu d’amour ? Comment lire un texte qui, même symboliquement, évoque des scènes de violence sexuelle ?
Ces questions sont légitimes. Le style d’Ézéchiel reflète son époque et son urgence à ramener un peuple égaré en exil. Les images choquantes sont un cri pour réveiller les consciences. Pourtant, elles nous invitent aussi à réfléchir à la sensibilité actuelle, notamment sur des thèmes comme la dignité humaine ou la violence de genre. Une lecture équilibrée consiste à reconnaître le contexte tout Au fil de la Bible en se concentrant sur le message central : l’amour passionné de Dieu, blessé par l’infidélité, mais toujours prêt à pardonner. Le style chambardant vise à nous recentrer sur ce message essentiel : Dieu est bon et miséricordieux.
Un miroir pour nos vies
Ézéchiel 16 nous tend un miroir. Comme Jérusalem, nous avons tous reçu des dons de Dieu : la vie, la famille, la Création, des moments de grâce. Mais combien de fois les prenons-nous pour acquis ? Quelles sont les « idoles » modernes qui nous détournent de Dieu ? Peut-être s’agit-il de l’obsession du succès, de l’addiction aux écrans ou de la quête incessante de plaisirs éphémères ? Ces choses, souvent séduisantes, nous éloignent de l’amour premier, celui qui donne sens à tout le reste.
Ce texte nous rappelle la gravité du péché, non pas comme une simple faute, mais comme une blessure infligée à une relation d’amour. Chaque fois que nous plaçons autre chose avant Dieu, nous brisons un peu cette alliance. Pourtant, Ézéchiel ne s’arrête pas au jugement. Plus loin dans le chapitre (v.60-63), il annonce une promesse : malgré la trahison, Dieu reste fidèle. Il renouvelle son alliance et offre le pardon. Cette tension entre justice et miséricorde est au cœur du message biblique. Elle nous dit que, même dans nos échecs, Dieu ne nous abandonne pas, Dieu est (toujours) là.
Une invitation à la gratitude et au retour
Ézéchiel 16 nous appelle à une pause spirituelle. Prenons un moment pour compter nos bénédictions : les petites joies quotidiennes, les relations qui nous portent, la beauté du monde autour de nous. Ce sont des cadeaux de Dieu, des signes de son amour. Mais prenons aussi le temps d’examiner notre cœur. Où avons-nous été infidèles ? Qu’est-ce qui nous éloigne de Dieu ? La bonne nouvelle, c’est que l’histoire ne s’arrête pas à la faute. Comme l’époux de la parabole, Dieu nous attend, prêt à nous accueillir si nous revenons à lui. Dieu est inlassablement présent à mes côtés.
Ce texte nous invite aussi à la compassion. Si Dieu aime avec une telle intensité, nous sommes appelés à aimer de même nos proches, nos voisins et même ceux qui nous blessent. C’est un défi, mais aussi une source d’espoir. En imitant la fidélité de Dieu, nous pouvons guérir les blessures autour de nous.
