Romains 8.8-17 : Fils et filles dans le souffle

Il y a dans Romains 8 un de ces textes qui remettent les pendules à l’heure. Paul n’y va pas par quatre chemins : il dresse un contraste radical entre deux manières de vivre. D’un côté, ce qu’il appelle « la chair », de l’autre, « l’Esprit ». Et quand on a grandi dans des Églises où ces mots sont lancés comme des slogans ou des jugements, on a vite fait de passer à côté de la puissance subversive de ce passage.
Le vent se lève © by-studio
Le vent se lève © by-studio 

 

 

 

La chair : une vie repliée sur elle-même
Parce que ce que Paul désigne par « la chair », ce n’est pas le corps au sens biologique, ni la sexualité, comme certains ont voulu le croire ou le faire croire. Ce n’est pas le plaisir ou l’émotion. La chair, chez Paul, c’est une manière de vivre refermée sur soi. C’est l’humain livré à lui-même, gouverné par la peur, le besoin de contrôle, le désir de puissance, la survie à tout prix. C’est l’humanité qui fonctionne à l’instinct, à l’orgueil, à l’épuisement. Et Paul dit quelque chose de très simple et en même temps de radical : on ne peut pas vivre en communion avec Dieu quand on est enfermé dans ce régime-là. Pas parce que Dieu nous punit ou se détourne, mais parce que ce régime nous coupe de toute relation vraie. Il nous replie. Il nous ferme. Il nous ment.

 

Une vie habitée
Mais il ne s’arrête pas là. Heureusement. Il dit à ses destinataires, à vous, à moi : « Vous, vous n’êtes pas dans ce fonctionnement-là. » Pas parce qu’on serait meilleurs. Mais parce que quelque chose s’est passé. Quelqu’un est venu habiter là. L’Esprit. Le Souffle. Pas une force vague ou mystique. Mais une présence. Une respiration nouvelle. Une orientation de vie. Et c’est là que le texte devient bouleversant. Paul dit : si Christ est en vous, alors même si vous êtes mortels, même si vous portez la fragilité, même si vos corps sont soumis à l’usure, à la fatigue, à la chute… eh bien l’Esprit, lui, fait vivre. Et pas d’une vie désincarnée, pas d’une spiritualité en lévitation. Une vraie vie. Une vie qui se réveille, qui se relève, qui résiste. Une vie qui se reçoit.

 

Le signe d’un autre régime
Je trouve dans ces versets une des affirmations les plus fortes de la foi chrétienne : le changement fondamental dans la vie d’un croyant, ce n’est pas qu’il devient plus vertueux, plus sage, plus performant. C’est qu’il devient habité. Et cette habitation change tout. Mais ce n’est pas magique. Ce n’est pas instantané. C’est un déplacement intérieur, souvent lent, souvent conflictuel. Paul ne dit pas qu’on devient automatiquement parfait. Il dit qu’on est « conduit par l’Esprit ». Et être conduit, c’est accepter de ne plus se diriger seul. C’est entrer dans une dynamique. Ce n’est pas l’extase, c’est la marche.

 

De la peur à la confiance
Et cette marche-là a une direction claire : la filiation. Ce que Paul affirme, c’est qu’en Christ, nous ne sommes plus des esclaves. Nous ne vivons plus sous la peur, sous la pression, sous la terreur religieuse. Nous sommes enfants. Enfants de Dieu. Adoptés. Accueillis. Reconnus. Et le signe de cette adoption, ce n’est pas un diplôme théologique, ce n’est pas une réussite morale. C’est un cri. Ce fameux « Abba ! » – ce mot araméen que Paul reprend sans le traduire. Ce cri-là, ce n’est pas un concept. C’est une prière à l’état brut. Un appel. Une confidence. Un lien. Et Paul dit que ce cri vient de l’Esprit lui-même. Que lorsque nous osons dire « Père » à Dieu, ce n’est pas nous qui réussissons un acte de foi : c’est Dieu qui parle en nous.

 

La fin du christianisme anxieux
Ça, pour moi, c’est une libération. C’est la fin du christianisme anxieux. C’est la fin des « Est-ce que j’en fais assez ? », « Est-ce que je suis assez croyant ? », « Est-ce que Dieu m’a vraiment accepté ? » Ce n’est pas notre sentiment qui fonde notre identité. C’est l’Esprit. Et cet Esprit rend témoignage à notre esprit : tu es enfant de Dieu.

 

Une filiation qui engage
Mais Paul ne vend pas un Évangile de confort. Il ajoute tout de suite que cette filiation n’est pas un privilège tranquille. Être héritiers avec Christ, c’est aussi partager sa souffrance. C’est porter le monde avec lui. C’est refuser les logiques dominantes, même quand elles sont habillées de versets. C’est souffrir de l’injustice, de la solitude, de l’incompréhension. C’est vivre à contre-courant. Et parfois, c’est douloureux.
Mais ce n’est pas une souffrance vaine. C’est une souffrance habitée. C’est une solidarité. Ce que Paul nous dit ici, c’est que suivre le Christ, c’est entrer dans un chemin qui n’est pas celui de la puissance mais de l’amour. Et l’amour, c’est beau, mais c’est exigeant. Ça nous expose. Ça nous engage. Ça nous transforme.

 

Une vie qui respire autrement
Alors oui, ce texte me parle. Parce qu’il ne nous enferme pas dans une identité religieuse figée. Il nous ouvre à une relation vivante. Il nous rappelle que le cœur de la foi, ce n’est pas une morale mais une adoption. Ce n’est pas une performance mais une présence. Ce n’est pas une identité fermée mais une filiation offerte. Et cette filiation, elle change tout. Elle nous fait respirer autrement. Elle nous fait marcher autrement. Elle nous fait aimer autrement. Elle nous rend capables de nous tenir debout dans ce monde, non pas comme des donneurs de leçons, mais comme des enfants du Souffle.

 

 

 

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Lectures juin 2025

 

 

 

 

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