Paroissiens heureux à Grasse depuis leur arrivée en 2007 (avec les pasteurs Karin Burggraf puis Christian Barbéry), ils ont quatre grands enfants. Grasse, parce qu’Antoine, spécialisé dans les arômes alimentaires, est venu travailler dans une parfumerie de la ville. Séverine, de son côté, enseigne en primaire dans la section internationale d’un établissement catholique. Enseigner en classes primaires, après un doctorat en biologie/biochimie, ce fut son choix.
À Grasse, Séverine a souhaité intégrer l’enseignement catholique. « J’apprécie le projet éducatif propre à l’établissement, explique-t-elle. Au-delà de l’enseignement, je prends en charge tous ceux qui ne sont pas concernés par les retraites catholiques. Avec eux, je monte des projets sur des valeurs comme la solidarité… Ce sont de beaux moments qui contribuent à la formation de la personne. »

La famille réunie, en 2021 (© DR)
Scouts depuis l’enfance
Avant Grasse, la famille avait passé cinq ans aux Pays-Bas et, précédemment encore, le couple a eu toute une vie parisienne. « Avec Séverine, dit Antoine, on s’est connus avant la confirmation, au catéchisme de la paroisse de l’Étoile ! »
Tous deux sont protestants. Séverine, issue d’un mariage mixte, a choisi la foi réformée.
Chacun, depuis l’enfance, est engagé dans le scoutisme, l’une du côté catholique chez les Scouts et guides de France, l’autre chez les scouts unionistes. Et ils n’ont pas encore décroché : cette année, ils assurent en commun l’accompagnement de « compagnons » (équivalents des « aînés » unionistes), après beaucoup d’autres camps vécus chacun de son côté.
Bénévoles dans l’Église…
Antoine participe au conseil presbytéral de Grasse quasiment depuis leur arrivée (il est actuellement vice-président). Il envisage les prochaines élections du « CP » : « Il y aura un grand renouvellement, mais il faut être confiant. On a écrit une Constitution pour de bonnes raisons (éviter les « fauteuils » occupés à vie, NDLR), et arrive le moment où ça va se mettre en place. Ce sera intéressant. De nouvelles personnes vont peut-être émerger. Et celles qui seront amenées à s’arrêter pourront encore nous aider… »
Séverine, elle, est membre de la commission régionale NRJ, qui soutient les communautés locales dans leurs projets. « C’est très riche, souligne-t-elle, de découvrir ce qui se passe dans les Églises de la région et de chercher à en faire bénéficier toutes nos paroisses. Mais on a du mal à être partout. Il y a un grand besoin de présence sur place, d’accompagnement… »
… et ailleurs
Séverine est également engagée depuis longtemps dans des associations de solidarité. En soutien notamment à « MAS – Méditerranée Afrique Solidarité », qui travaille pour le développement durable au Togo et en République démocratique du Congo (RDC). Elle détaille : « On a des échanges entre enseignants sur place. Il est difficile d’aller en RDC et certains des acteurs là-bas sont menacés de toutes parts ! Au Togo, nous aidons à monter des fermes-écoles, nous soutenons les femmes dans la formation de leurs enfants, un bibliobus a été mis en place… »
Dans ces fermes-écoles, les jeunes se forment à l’agriculture et cultivent ensuite des lopins de terre grâce auxquels « ils peuvent subvenir à leurs besoins en travaillant à partir de leurs richesses propres. Les Togolais investis sur place sont des hommes fantastiques, qui ont souvent fait des études à l’étranger et sont aujourd’hui très engagés dans le développement de leur pays. On a créé avec eux de vrais liens d’amitié et d’échange culturel. »
Le service des autres, une éducation
Ces engagements multiples, pour Antoine, c’est « une façon de vivre, quasiment ethnique », qui passe de génération en génération. « Mais ce qui fait que je n’ai pas arrêté, c’est le vrai message d’espérance et d’amour qu’on peut ressentir tout le temps. Voir qu’il nous porte permet de se sentir mieux dans sa vie, d’avoir une meilleure relation avec son prochain. J’ai donc une reconnaissance d’avoir été éduqué dans cette foi et c’est une grande joie de partager cela avec Séverine. »
Quant à Séverine, elle a besoin de ces diverses activités pour avancer, dépasser ses « croyances » et ses habitudes : « J’écris des notes, je tiens des petits carnets ! Je reviens souvent dessus, ça nourrit mon intellect, mes émotions, ma spiritualité. Et puis je trouve important que les enfants ressentent qu’on peut s’engager, prendre des risques, s’ouvrir à d’autres choses… C’est une manière de leur apprendre à réfléchir, dès le plus jeune âge ! »
De nouveaux chantiers
Je questionne Antoine, délégué au synode, sur le thème de cette année. « Nous sommes ultra-minoritaires. Je ne pense pas que la société aille bien, les communautarismes sont très préoccupants et je suis persuadé que le message chrétien permettrait qu’elle aille mieux. Avec le thème de la mission et des ministères, en trois ans et trois synodes, j’ai vu de vrais changements. Au moment de la pandémie, puis de la guerre en Ukraine, plein d’initiatives et d’échanges se sont mis en place. Tout cela va donner des fruits et si c’est renforcé au niveau national, j’ai l’espoir que nous formions vraiment une Église de témoins. »
Pour Séverine, la réflexion sur l’Église s’oriente plutôt vers l’accompagnement de la formation des personnes : « On voit tous ces livres qui sortent sur le bien-être… je suis sûre que l’Église a des choses à proposer. Et dans ce domaine, les protestants me semblent plus aptes à sortir de leurs traditions, à accepter des différences. »
Vers une Église autre ?
Concernant l’Église de demain, le délégué de Grasse lance quelques pistes : « La technologie qui évolue va créer de grands bouleversements mais aussi plein d’opportunités. Le plus important, c’est que notre Église ait décidé de parler à la société. Par contre, ce ne sera plus la même Église ! Sera-t-elle moins académique ? Par exemple, faut-il vraiment trois facultés de théologie pour nos pasteurs ? Faut-il garder le cursus actuel pour être reconnu comme théologien ? Pourquoi la théologie ne viendrait-elle pas aussi de physiciens, d’astrophysiciens… de gens qui interrogent ? De ceux qui réfléchissent sur la prolongation de la vie, le rapport au temps, etc. ? On dirait que la théologie traditionnelle protestante ne s’y intéresse pas. Il faut ouvrir ! »
Quand survient la fragilité
Au cours de notre entretien, en parlant de la force de l’Évangile, Antoine a évoqué le grave accident qui a touché un de leurs enfants, l’année dernière : « On a eu vraiment peur d’avoir perdu notre fils et la foi nous a portés dans cette période-là. Période difficile, traumatique, qui laisse encore des traces, avec des séquelles pour lui… » Je demande à Séverine de donner son sentiment : « On a senti une vraie présence, répond-elle. J’aime dire : une présence silencieuse mais invincible. C’était très fort, presque une révélation… et c’est dur d’en parler !
Chaque fragilité nous transforme, déplace tous les acquis, mais on a été portés par la foi de façon extraordinaire. Nos enfants ont formé un tout avec nous, nous avons partagé tous ces moments… D’une souffrance, tu vas vers une espérance grâce à la foi, qui apporte aussi des réponses quand tu n’en as plus. Voilà… aucun chemin de vie n’est droit ! »
